-La question de l’hégémonie culturelle est un préalable à tout changement de société. De mon point de vue, toute réforme symbolique se révèle aujourd’hui conditionnée par la redéfinition de la notion de valeur. Le néolibéralisme en financiarisant l’ensemble des activités humaines et sociales a confisqué cette notion de valeur en la réduisant à sa logique pratico-formelle, celle de la pensée des affaires et du droit.
Il faut donc en finir avec ce que je nomme la néo-évaluation, ensemble des dispositifs de servitude volontaire et de soumission sociale, aujourd’hui dominante. Il faut inventer de nouvelles formes d’évaluation citoyenne, ne réduisant pas la qualité à une propriété émergente de la quantité. Cela suppose notamment de soutenir des expériences pilotes pour éviter la standardisation des protocoles et de la pensée. Et d’en finir avec ces évaluations quantitatives, procédurales et formelles.
-Il faut en finir avec la curatelle technico-financière des individus et des peuples et considérer l’éducation, la santé, la culture et la justice comme des priorités, des investissements pour l’avenir, c’est-à-dire renouer avec l’Esprit de Philadelphie. Une nouvelle taxe Tobin pour financer ces investissements est-elle utopique? « Prendre soin » des autres et de soi-même, n’est-ce pas l’esprit même du convivialisme?
-La réappropriation des pouvoirs, confisqués par la technocratie, suppose un renouveau démocratique qui me semble nécessairement passer par la réhabilitation des espaces de paroles et de récits. Au niveau politique comme au niveau social, cela suppose de mettre fin à une monarchie présidentielle, à la logique de spectacle des partis et à une réhabilitation des espaces citoyens, dont les associations notamment, et les collectifs, pourraient être les garants. A contrario de la logique actuelle (les social-impact-bond), il faudrait favoriser les innovations culturelles et conviviales, en les émancipant des logiques entrepreneuriales. Cela pourrait être favorisé aux niveaux local, national et européen, pour commencer.
Roland Gori