mardi 17 décembre 2019

Depuis quarante ans, la question de l’insertion sociale et professionnelle des jeunes n’a pu trouver de réponse institutionnelle adéquate. La question a commencé à se poser à la fin des années 1970 avec la croissance d’un « chômage d’insertion » témoignant de l’émergence d’une nouvelle étape de la vie sociale, transitionnelle entre le temps scolaire et le temps professionnel. L’émergence de ce nouveau temps social a un caractère historiquement paradoxal.

Alors qu’auparavant, la majorité professionnelle, fixée à 12, 14, puis 16 ans, était antérieure à la majorité civique, fixée à 21 ans, elle lui est devenue postérieure. Civiquement majeur à 18 ans, les jeunes ne sont professionnellement insérés qu’aux environs de 20-25 ans en moyenne, ce qui pose, notamment, le problème de leur autonomie financière vis-à-vis de leurs parents.
Le régime actuel des bourses universitaires est symptomatique de cette dérive. Il visait initialement à faciliter l’accès aux études supérieures aux jeunes gens à faibles ressources familiales en leur épargnant la nécessité d’un accès précoce au travail salarié. Mais, dès lors que cet accès immédiat au salariat est impossible, la bourse devient, pour certains, un objectif en soi, dans une inversion des fins et des moyens. On ne demande pas une bourse pour faire des études ; on fait pafois des études (ou on fait semblant d’en faire) pour bénéficier d’une bourse
La présente proposition vise à revenir à l’esprit du remarquable rapport de Bertrand Schwartz (1981) en dissociant la politique de la jeunesse après l’âge de 18 ans, de la politique scolaire. Les bourses universitaires seraient fondues dans un dispositif général d’ « allocation jeune en formation » (Ajef) auquel aurait droit, sur conditions de ressources, tout jeune entre 18 et 25 ans pendant une année renouvelable cinq fois. Ces allocations, distribuées sur la base du barème actuel des bourses universitaires, serait accordées par des commissions établies au niveau des communes ou des syndicats de communes sur la base d’un « projet de formation » déposé par le jeune. L’inscription à l’université serait un des projets possibles, qui pourrait être aussi : aller passer une année à l’étranger pour apprendre une langue, mener à bien un projet social ou culturel, passer le permis de conduire, etc. Le droit au renouvellement serait lié au projet (pas plus d’un an pour un permis de conduire ou un séjour à l’étranger, par exemple). Autant les commissions se montreraient ouvertes sur les projets présentés, autant elles exigeraient des résultats probants pour le renouvellement. Cette aide serait cumulable avec des revenus salariaux sur un mode identique à celui de l’actuel Revenu de solidarité active pour les plus de 25 ans. 
Un tel dispositif aurait un triple avantage :

  • Il supprimerait l’inégalité actuelle sans fondement dans l’attribution d’une aide sociale entre les jeunes suivant qu’ils ont, ou non, obtenu le baccalauréat.
  • Il permettrait que l’on ne fasse plus pression sur les universités pour qu’elles assurent une fonction qui ne correspond pas à leur mission.
  • Elle permettrait de valoriser de nombreuses démarches de formation aussi pertinentes que les études académiques.

Sur un plan financier, il n’y a pas lieu de penser que l’instauration de l’Ajef serait beaucoup plus coûteuse pour l’Etat que le régime actuel des bourses.

 

François Vatin

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