mardi 17 décembre 2019

Sortir de la société de croissance, remet en cause l’ensemble du paradigme dominant et implique déjà tout un programme. Dans le contexte actuel l’urgence est de sortir de la spirale dépressive et d’assurer la recherche du plein emploi. La stupide politique d’austérité engendre un cycle déflationniste précipitant la crise que la relance purement spéculative n’empêchera pas. Les trois premières « mesures » d’urgence seraient :

1) la relocalisation. Relocaliser, cela signifie avant tout “démondialiser”. Ce qu’on appelle la mondialisation n’est en fait qu’un jeu de massacre à l’échelle globale. Une compétition dans laquelle tous les peuples s’autodétruisent les uns les autres.

2) la restructuration et la reconversion écologique. L’agriculture industrielle productiviste est un suicide collectif, source de cancers, d’intoxications, d’épidémies, de pandémies animales et ainsi de suite. Nous devons avant tout reconvertir l’agriculture pour retrouver une alimentation saine, avec une production saisonnière de qualité. Cela présuppose de recréer des millions de paysans qui seront productifs et efficaces, mais sans être piégés par le productivisme. Un deuxième objectif est la reconversion du secteur énergétique avec l’abandon du nucléaire et le développement des énergies renouvelables. Enfin, il faudra se battre contre les productions parasites (comme la publicité) ou nuisible (comme les armements). Mais aussi il sera nécessaire de repenser radicalement l’industrie automobile. Tout cela créerait des emplois sans entrer pour autant dans la logique du produire toujours plus, mais au contraire  dans celle d’une production destinée à satisfaire des besoins réels. Il faut par ailleurs réduire le gaspillage et lutter contre l’obsolescence programmée, et pour cela imposer aux fabricants  de pratiquer  une garantie d’au moins dix ans.

3) la réduction des horaires de travail. La situation actuelle est totalement absurde : d’une part il y a des millions et des millions de chômeurs, et d’autre part, des millions d’hommes et de femmes qui travaillent comme des fous. Jusqu’à 15 heures par jour. En travaillant moins on pourrait gagner plus et surtout vivre mieux.

Pour tout cela, la chose est manifeste, nous devons sortir de l’Euro, sans quoi il n’y a aucune possibilité de réaliser un tel programme. Qui suppose d’abord de lever les deux tabous qui sont à la base de la construction européenne et de la mondialisation néo-libérale : sur le protectionnisme et l’inflation. Les politiques tarifaires de construction et reconstruction de l’appareil productif, de défense des activités nationales et de protection sociale, et celles de financement du déficit budgétaire par un recours raisonné à l’émission de monnaie engendrant cette « gentle rise of price level »  (inflation modérée) préconisée par Keynes, ont accompagné l’exceptionnelle croissance des économies occidentales de l’après guerre, ce que l’on a appelé en France les trente glorieuses – à vrai dire la seule période dans l’histoire moderne où les classes laborieuses ont joui d’un relatif bien-être. Ces deux instruments ont été proscrits par la contrerévolution néo-libérale et les politiques qui voudraient les préconiser sont aujourd’hui anathémisées, même si tous les gouvernements qui le peuvent y ont recours de façon plus ou moins subreptice et insidieuse. Toutefois, à la différence des politiques néo-keynésiennes (Stigliz ou Krugman), il ne s’agit pas de faire repartir l’impossible et nuisible logique de croissance, mais simplement de retrouver un plein emploi et de couvrir les besoins.

Ce programme, encore très éloigné de la nécessaire « sortie de l’économie » préconisée par la décroissance, semble aujourd’hui utopique, mais quand nous toucherons le fond du marasme et de la vraie crise qui nous guette, il paraitra souhaitable et réaliste.

 

Serge Latouche

 

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