- abandonner l’indicateur de croissance de PIB comme guide de l’action publique
- fixer à l’école primaire et secondaire un plafond de vingt-quatre élèves par classe
- interdire la propriété de plus d’un média à une personne ou à une entreprise, et organiser un fonds mutualisé de soutien aux médias indépendants
Voici trois propositions :
1. En France comme dans le monde, l’économie s’est attribué le monopole de l’action humaine efficiente. Elle impose son empire au moyen d’un outil qui présente la caractéristique d’être à la fois un concept surpuissant et un moyen opérationnel organisant l’action. Il s’agit de la « croissance », véritable totem – au sens où il n’est pas interrogé par ses fidèles, qui comptent l’ensemble des classes dirigeantes et quasiment tous leurs sujets. La croissance est présentée comme un impératif indépassable. On en oublie de dire de quoi il s’agit – la croissance du produit intérieur brut – et le discours commun substitue fréquemment le mot « croissance » au mot « économie », comme s’il s’agissait de la même chose. Or, depuis plus de deux décennies, un important travail théorique et pratique a montré tous les défauts de cet indicateur – notamment au regard de son incapacité à prendre en compte les effets écologiques de l’activité productrice, effets devenus aujourd’hui monstrueux. Des indicateurs de substitution ont été proposés. Il convient donc :
- d’ abandonner l’indicateur de croissance de PIB comme guide de l’action publique.
2. La société est rendue malade par le capitalisme en voie de décrépitude. Une part essentielle du mal réside dans le mépris avec lequel sont traitées l’enfance et la jeunesse. Une éducation à deux secteurs s’est mise en place : pour les enfants des élites, des écoles bien dotées et fortement encadrées (qui, d’ailleurs, ne visent pas tant l’émancipation des élèves que leur conformation au statut dirigeant auquel on les destine) et pour la masse, des écoles surchargées, aux enseignants dévalorisés et frustrés : il ne s’agit ici que d’assurer un « bagage scolaire » minimal, assurant autant que possible l’adaptation future à l’appareil productif, mais surtout la résignation des enfants ainsi conformés. La télévision et autres divertissements sportifs sont en revanche fortement développés et encouragés, afin d’anesthésier la conscience des masses populaires. Refaire une société conviviale dont les membres pourront accéder à leur pleine dignité suppose de miser sur la jeunesse et sur ce qu’on appelle l’école. Un pas essentiel sur ce chemin est d’assurer que les classes soient assez légères pour que le partage convivial du savoir et des pratiques collectives puisse se réaliser. Il faut donc :
-fixer à l’école primaire et secondaire un plafond de vingt-quatre élèves par classe.
3. La culture commune est malade de la manipulation de l’opinion publique opérée par les grands médias et la publicité. Ceux-ci répandent en permanence et à grande échelle une pensée indiquant que la voie essentielle de réalisation de la personne est l’acquisition de biens et de services nouveaux, et qu’il n’y a pas d’autre voie de politique économique et sociale que la loi du marché et l’acceptation des inégalités. Tout ceci est permis par le fait que les grands médias audiovisuels (touchant la masse) et écrits (visant les classes moyennes supérieures et les classes dirigeantes) appartiennent à des membres de l’oligarchie, qu’il s’agisse d’entreprises ou de milliardaires à titre
personnel. Dans les médias, un seul adage vaut : « Qui possède commande ». La propriété desmédias assure donc à l’oligarchie un moyen essentiel de perpétuer sa domination sur les esprits et donc dans les faits. Pour permettre à la vitalité de la société civile et des alternatives conviviales d’occuper pleinement le terrain du débat public et de chambouler les consciences, il faut donc :
- interdire la propriété de plus d’un média à une personne ou à une entreprise, et organiser un fonds mutualisé de soutien aux médias indépendants, sur le modèle du fonds de soutien à l’édition indépendante existant en Norvège.
Hervé Kempf