Au quatrième trimestre 2016, le réseau de réseaux civiques PCEM, Pouvoir citoyen en marche[1] (nom choisi, je dois le préciser, avant l’apparition du En marche de Macron…) m’a confié la mission de proposer à la discussion et de coordonner la rédaction de ce que nous avons appelé des « mesures basculantes ». Il s’agissait, notamment, de témoigner de l’inventivité de la société civique et de faire entrer dans le débat public des thèmes ignorés ou négligés par les partis politiques. Au terme de nombreux va- et - vient, un accord a été trouvé sur les dix-sept mesures suivantes. Elles devaient figurer, en compagnie de l’Appel d’Edgar Morin, Changeons de voie, changeons de vie, dans un document synthétique, co-rédigé avec le groupe Utopia et le groupe des Jours heureux. Comme celles du Seigneur, les voies de la société civique sont quelque peu impénétrables : le document synthétique annoncé n’a pas vu le jour. D’autres « mesures basculantes », une cinquantaine je crois (parfois très proches, parfois assez éloignées), ont été définies sous une autre forme, au terme de nouveaux regroupements d’organisations civiques. Relisant aujourd’hui, après la longue période électorale que nous avons connue, ce que j’avais fini de rédiger en décembre 2016, il m’apparaît qu’il n’est peut-être pas inutile de le soumettre à la discussion, même si certains points m’apparaissent discutables, ou précisément pour cela. Il me semble qu’il y a là en effet une certaine concrétisation du projet de politique convivialiste proposé par le livre que nous avons publié en juin 2016, Ėléments d’une politique convivialiste, Editions Le Bord de l’Eau. Alain Caillé
Dans cette planète globalisée en crise, toutes les échelles spatiales et temporelles héritées se disloquent et se télescopent. À quel niveau doit-on faire du commun ? Familial, local, régional, national, continental, mondial ? Et dans le cadre de quelle culture, de quelle religion, de quelle spiritualité, de quelle idéologie ? Avec quelle valorisation, respectivement, du passé, du présent, de l’instant ou de l’avenir ? Faute de réponse assurée à ces questions, l’éducation et la transmission des savoirs deviennent de plus en plus incertaines, et la tentation grandit du chacun pour soi, dans une logique de sauve-qui-peut généralisée.
La société civique doit rentrer dans le champ politique, mais elle doit le faire autrement, ce qui veut dire trois choses, que l’on retrouve dans ces mesures basculantes.
- Le faire dans la perspective d’une rénovation radicale du jeu démocratique, qui donne effectivement la parole au plus grand nombre en complétant les institutions de la démocratie représentative par des instances de démocratie directe ou de participative effective.
- Promouvoir tout ce qui permet de coopérer et de retrouver le sens du commun, dans le respect des différences et des oppositions.
- 3. Proposer et défendre tout un ensemble de mesures politiquesbasculantes, non portées par les partis politiques traditionnels. Des mesures peuvent être dites basculantes lorsqu’elles exercent un effet de levier considérable sur tous les rouages de la vie sociale et politique. Et aussi lorsque, une fois adoptées, personne n’imagine plus pouvoir revenir en arrière tant elles paraissent soudain évidentes, alors que pourtant bien peu y croyaient au départ. Exemple : la création du RMI (Revenu minimum d’insertion) en 1989. Ou, quelques années plus tard, de la CSG (Contribution sociale généralis&). C’est un ensemble de mesures potentiellement basculantes issues de multiples discussions et prises de position de la société civique que l’on présente ici.
Statut de ces propositions basculantes
Il faut préciser que bien des problèmes qu’affrontent nos sociétés seraient résolus, ou infiniment plus faciles à résoudre, si les États parvenaient à récupérer une partie des dizaines de milliers de milliards de dollars ou d’euros mis à l’abri dans les paradis fiscaux. Il faut, bien sûr, tout mettre en œuvre pour aller dans ce sens. Mais le succès est loin d’être garanti. Seule une mobilisation particulièrement puissante de la société civique internationale pourrait y contribuer. Or, pour l’instant, le jeu politique se joue d’abord à l’échelon national. De même, une croissance authentiquement verte serait également bienvenue. Et, sans même parler de croissance verte, il est clair qu’il y a d’importantes marges de manœuvre économique à récupérer en s’affranchissant autant que faire se peut des normes d’austérité suicidaires imposées par les instances européennes actuelles.
Mais un projet politique civique doit d’abord raisonner en se demandant comment remédier aux cinq crises majeures à affronter (la crise économique, la crise sociale, la crise politique, la crise environnementale et la crise du sens), et comment rendre la société plus harmonieuse, collaborative et pacifique, même s’il devait ne pas y avoir de croissance significative du PIB. Une telle démarche est d’autant plus nécessaire que si une crise financière éclate, alors ce n’est pas seulement à la quasi-stagnation du PIB qu’il faudra faire face mais bien à sa régression.
Les propositions de mesures qui suivent veulent être des réponses aux cinq crises majeures. Parmi les dizaines ou les centaines de mesures à adopter, ont été retenues celles qui paraissent les plus emblématiques et qui appellent les autres. Puisqu’on raisonne hors croissance du PIB, elles peuvent généralement être adoptées à budget constant. Bien sûr, énormément d’autres mesures pourraient et devraient être prises si l’argent de la fraude fiscale rentrait ou si nous parvenions à mettre en œuvre une croissance écologiquement soutenable. Ce serait autant de lits d’hôpital, de places à l’Université, de prisons modèles, de tribunaux désengorgés etc. en plus. Mais il y a beaucoup à faire, l’essentiel peut-être, même en l’absence de ces moyens financiers supplémentaires. Et le plus tôt sera le mieux.
DIX-SEPT MESURES BASCULANTE
Face à la crise politique
- Refonder la démocratie
Motifs. Les enquêtes montrent que les Français attendent une démocratie à la fois plus moderne, plus citoyenne, plus participative et exemplaire. Au-delà du « droit de vote », ils demandent maintenant le « droit à la parole ». Il est donc nécessaire de compléter la démocratie représentative par des instances de démocratie délibérative qui associent les citoyens au processus de décision en recourant au tirage au sort, comme dans le cas de la démocratie athénienne ou des jurys d’assise contemporains.
Mesure. Il sera institué par la Loi, en plus de l’Assemblée nationale, du Sénat et du Conseil économique, social et environnemental, une quatrième Chambre, une Chambre citoyenne, délibérative et consultative, composée de cinq cents à mille citoyens volontaires tirés au sort, renouvelés chaque année, qui auront à se prononcer, après consultation des experts et des personnes engagées, sur les sujets jugés prioritaires – par exemple l’écriture d’une nouvelle Constitution -, par des conventions de citoyens dont on précisera les règles de formation. Cette chambre sera dotée du pouvoir de convoquer un référendum si le Parlement adopte des décisions contraires à ses avis. De telles chambres citoyennes seront également créées au niveau régional ou local. L’État veillera à la diffusion médiatique, et notamment télévisuelle de leurs activités.
- Dé-professionnaliser la politique
Motifs. Dans tous les pays démocratiques, ou réputés tels, le désintérêt pour les élections, en particulier chez les jeunes, va de pair avec une défiance croissante envers la classe politique. De plus en plus, les citoyens considèrent que le personnel politique vit moins pour la politique que de la politique. Voyant toujours les mêmes têtes au pouvoir au fil des décennies, ils se sentent dépossédés de leur pouvoir de dire et d’agir.
Mesure. Interdire rigoureusement le cumul des mandats et leur renouvellement au-delà de deux fois successives. Affecter 5 % des budgets actuellement consacrés au fonctionnement de la démocratie représentative (700 millions d’euros) à la mise en place d’instances de démocratie participative et directe.
- Lutter contre les stigmatisations de genre ou de couleur de peau
Motifs. En France les inégalités entre les hommes et les femmes ne diminuent pas, voire augmentent. Les enfants issus de l’immigration coloniale ou postcoloniale ont toujours autant de mal à trouver leur place, voire plus.
Mesure. La loi veillera à faire respecter, à compétence et ancienneté égales, l’absence de discrimination à l’embauche et l’égalité des rémunérations et des avancements de carrière pour toutes les catégories de la population.
- Améliorer le fonctionnement des services publics
Motifs. L’Etat, est un employeur souvent médiocre et un prestataire de services de qualité variable (voir les multiples exemples de lourdeurs administratives et de rigidité pour l’usager, de tâches peu valorisantes pour les fonctionnaires, etc.). Tant dans le rapport à ses employés qu’aux usagers il développe une logique de plus en plus strictement comptable et procéduraliste qui engendre un sentiment d’arbitraire et de non sens.
Mesure. Toute mesure de rigueur budgétaire appliquée à des services publics sera précédée d'un diagnostic conjoint entre les usagers, les personnels et gestionnaires de ces services et les responsables politiques et syndicaux. Au vu de ce diagnostic, qui privilégiera toujours le dialogue au reporting et au benchmarking, un accord sera recherché pour conserver la qualité et l’humanité du service. En cas de grave désaccord sur les mesures à prendre, elles seront soumises pour avis à la Chambre citoyenne.
Face à la crise économique
- Interdire les délocalisations fiscales
Motifs : Rien n’est plus néfaste à la vitalité des idéaux démocratiques que la volonté et la capacité qu’ont les plus riches de se soustraire à l’impôt, et l’impunité fiscale qui leur permet d’y parvenir. Non seulement, les dizaines, les centaines ou les milliers de milliards d’euros (selon les pays) abrités dans les paradis fiscaux font défaut au financement de l’éducation, de la santé ou de l’économie, mais ils expriment un refus de la solidarité nationale, un déni de commune socialité qui alimentent insidieusement le sentiment que tous, parce qu’inégaux devant l’impôt, sont en guerre contre tous.
Mesure. La Loi française stipulera que (comme aux États-Unis) tous les nationaux ou résidents en France seront taxables sur leurs revenus mondiaux, qu’il s’agisse de personnes physiques ou morales, d’individus ou de sociétés. Dans les cas les plus graves, outre un redressement fiscal, une privation des droits civiques et sociaux, voire une déclaration d’indignité nationale pourra être prononcée.
- Réduire les inégalités
Motifs. La cause principale de tous les dérèglements du monde est l‘explosion des inégalités qu’a entraînée le triomphe du libéralisme. En 2015, cinquante- deux personnes possédaient autant que les trois milliards et demi les plus pauvres. Et cette inégalité s’est encore accrue en 2016. Rien n‘est plus urgent que d’entamer la lutte contre ces inégalités. Mais rien n’est plus difficile, puisque l’argent n’a pas de frontières, ce qui limite drastiquement l‘efficacité de mesures qui seraient prises sur une base seulement nationale. L’objectif est de parvenir à définir le plus vite possible un revenu et un patrimoine maximum acceptables. Mais cela ne sera pleinement possible que par un très fort consensus de l’opinion publique mondiale, auquel les plus conscients des plus riches seront invités à se rallier. Outre la limitation des rémunérations les plus hautes dans la fonction ou dans l’économie publiques, le plus urgent est la lutte contre les inégalités patrimoniales.
Mesure. Considérant que chacun, au cours du bref séjour qu’il fait sur cette terre doit être considéré comme un locataire de la planète devant s’être acquitté à ce titre de son loyer au terme de sa vie, il sera prélevé chaque année, au-delà d’un certain seuil, de 1,5 % à 3,5% de son patrimoine privé. Ce prélèvement remplacera l’ISF, la taxe foncière et, éventuellement, les droits de succession jusqu’à un montant à déterminer. La Chambre citoyenne aura à se prononcer sur les écarts de revenu acceptables.
- Garantir une économie durable
Motifs. Au plan économique, personne ne sait de quoi demain sera fait. Aujourd’hui, le pouvoir d’achat stagne ou régresse pour la majorité de la population. Depuis longtemps déjà. On ne peut guère compter sur un accroissement significatif du PIB pour y remédier. Des crises financières et économiques violentes peuvent survenir à plus ou moins brève échéance. Il faut donc au plus vite mettre en place les bases d’une vie économique durable, garantissant la satisfaction régulière des besoins essentiels à l’abri des soubresauts du Marché. Cela n’est possible qu’en retirant plus d’usage d’une même quantité de biens marchands et qu’en favorisant les productions et les consommations non marchandes. Ce qui suppose une politique de relocalisation.
Mesure. Une loi de soutien à l’économie durable combattra l’obsolescence programmée en rendant obligatoire une garantie décennale. Elle favorisera toutes les formes d’économie sociale et solidaire, d’économie collaborative non marchande et de relocalisation. Elle octroiera des conditions fiscales beaucoup plus avantageuses aux commerces de proximité qu’aux grandes surfaces.
- Lutter contre le chômage par une politique du temps de travail effectivement choisi
Motifs. La lutte contre le chômage sera sans doute, avec la préservation des équilibres naturels, le défi principal des décennies à venir. Aux licenciements massifs induits par la globalisation et par les forts gains de productivité obtenus depuis plus de trente ans, vont venir s’ajouter ceux qui résulteront des progrès de l’intelligence artificielle et de la robotisation. Sans un changement radical de notre organisation économique et sociale on court le risque, dramatique, qu’une part toujours plus importante de la population mondiale apparaisse économiquement inutile et se retrouve sans emploi.
Mesure. Face à un tel danger, une première série de remèdes est à rechercher du côté d’une politique de reterritorialisation et de dé-carbonisation de l’économie. L’impératif de qualité des produits agricoles et alimentaires est également générateur d’emplois. Mais, de manière plus générale, c’est toute l’organisation du travail qu’il faut réinterroger. C’est notamment une politique du temps de travail effectivement choisi (et non imposé), soucieux des rythmes de chacun, qu’il faut instaurer. Ce n’est que dans un tel cadre que l’instauration d’une forme ou d’une autre de revenu universel et la diminution du temps de travail prendront toute leur signification. Leurs différentes modalités devraient dès maintenant faire l’objet d’expérimentations locales.
- Lutter contre le chômage par une activation localisée des aides sociales à l’emploi.
Motifs. Face au chômage structurel, actuel ou futur, le constat dont il faut partir est que notre organisation sociale et économique actuelle génère toujours plus de besoins qui ne peuvent être satisfaits ni par le Marché (leur satisfaction n’est pas rentable) ni par l‘État (qui ne peut pas embaucher indéfiniment). Une partie de la solution passe par l’activation des dépenses sociales au profit de la société civile associationniste et de l’économie sociale et solidaire. Mais pour assurer un retour à l’emploi pérenne il faut une connaissance fine des besoins et des compétences, toujours spécifiques, existant localement, que seuls des entrepreneurs associatifs locaux peuvent avoir.
Mesure. Le coût d’un chômeur de longue durée pour la collectivité est actuellement de 15 000 € par an. Chaque fois qu’une commune ou une communauté de communes pourra attester de besoins locaux à satisfaire et de la présence de personnes compétentes pour le faire, elle sera habilitée à gérer cette somme dans le cadre d’une politique d’emplois en CDI, au SMIC, et dans une logique de temps choisi (Cf. la politique préconisée par ATD-Quart-Monde).
Face à la crise sociale
- Remédier aux fractures scolaires
Motifs. Parmi les perversions de l'ambition démocratique celles qui affectent l'Ecole sont les plus graves Réduire massivement les inégalités scolaires est une exigence démocratique essentielle pour aider à repenser le monde, à innover, à contribuer aux débats et aux décisions de demain. Or, loin de les compenser, le système éducatif actuel aggrave sensiblement les fractures sociales et culturelles (rapport 2016 du Cnesco). C’est là la conséquence inéluctable d’une École dont France Stratégie rappelle qu’elle est tout entière organisée autour de la mise en concurrence des élèves. L'école en France privilégie la fonction de sélection des élites au détriment de sa mission de promotion éducative, sociale et culturelle de l'ensemble des citoyens. Cela se manifeste notamment dans un taux de décrochage scolaire parmi les plus élevés d'Europe et dans l'importance du rôle de l'origine sociale des parents dans ce décrochage. Les ravages de cette sélectivité mal placée se repèrent à tous les niveaux de notre système éducatif, du primaire jusqu’à l’enseignement supérieur Avec pour conséquence l’illettrisme, le décrochage scolaire et la délinquance.
Mesure. Du Primaire au Supérieur les réformes à entreprendre sont innombrables et interdépendantes. Un vaste débat public doit être lancé en vue de redéfinir le rôle de l’École et de l’Université au XXIème siècle. Ce débat portera tant sur les contenus à transmettre que sur la pédagogie, qui devra être fondée, en maternelle et dans le primaire, sur l’autonomie, la coopération et la bienveillance, avec des effectifs réduits et des enseignants formés à ces méthodes. Il devra permettre de concilier au mieux l’exigence du partage d’une culture commune avec la plus grande liberté pédagogique laissée aux collectifs enseignants. Dans l’attente de ce débat un projet de loi portant modification des missions du système éducatif stipulera : 1°) que le parcours scolaire est réorganisé en un tronc commun d’enseignement jusqu’à la fin du secondaire, avec un baccalauréat incluant enseignements théoriques et pratiques pour tous les élèves ; et que 2°) la notation des élèves, outil par excellence de la mise en concurrence et de la sélectivité, est remplacée par un dispositif d’évaluation formative.
- Sortir du Tout- Prison
Motifs. Les prisons françaises sont dans un état dramatique. Une surpopulation effrayante (69.375 détenus pour 58.311 places, soit un taux d’occupation de 119 %), des conditions d’hygiène souvent déplorables, une pénurie de personnel, une vie carcérale particulièrement dégradante car prioritairement punitive, l’absence de politique de réinsertion et de suivi - notamment psychiatrique -, des sortants, tout ceci explique que la violence y soit de plus en plus présente et que les taux de récidive soient particulièrement élevés en France. Sans compter que la prison fonctionne désormais comme un surgénérateur de délinquance et un accélérateur de djihadisme. Il faut donc sortir le plus possible du Tout-prison – qui fait de la prison la seule réponse à de nombreux problèmes sociaux : dangerosité psychiatrique, délinquance routière, violences intrafamiliales, agressions sexuelles et autres déviances comportementales-, et ouvrir plus largement les relations des détenus avec le monde extérieur. L’essentiel étant avant tout de voir dans chaque condamné la personne autant ou plus que son statut judiciaire.
Mesure. Outre le développement des peines alternatives, la réorganisation du fonctionnement interne et la construction de prisons ouvertes pour les cas les moins graves, une Loi de réforme de la prison instaurera le principe d’une justice restauratrice. De très nombreuses études ont montré que la justice restauratrice – qui permet la rencontre entre victimes et agresseurs, dans des conditions de sécurité psychologique et physique pour les victimes – est bien plus efficace que la justice pénale classique pour la reconstruction psychologique des victimes, la prise de conscience par les agresseurs de la gravité de leurs actes, et la diminution de la récidive. Cette mesure suppose le retour à une police et une justice de proximité.
- Améliorer la santé en luttant contre la malbouffe, l’alcoolisme et le tabagisme.
Motifs. L’alcoolisme et le tabagisme font nettement plus de ravages en France que dans les pays comparables. L'obésité due à la malbouffe touche aujourd'hui environ 15% de la population française contre 6% en 1980, avec une très forte accélération à partir des années 1990. Cette pandémie, très largement internationale, a un impact significatif sur la santé des populations (en particulier à travers le diabète, les maladies cardio-vasculaires ou même certains cancers), leur vie sociale, mais également pour les finances publiques.
Mesure. Une loi sur la malbouffe alourdira la fiscalité sur les alcools forts, le tabac et les produits trop gras ou riches en sucre, en sel. Elle interdira la publicité sur ces produits, à l'instar de ce qui existe déjà pour l'alcool ou le tabac. Elle prévoira de développer des ceintures agro-écologiques périurbaines et de généraliser le bio dans les restaurations collectives afin de viser 90 % des surfaces en agriculture durable avant 2050. Un corps public d’experts de santé sera créé, s’appuyant sur des laboratoires publics de recherche et contrôlé par une autorité indépendante.
- Développer un service civique de grande ampleur
Motifs. Le service militaire permettait, au-delà ou en amont de la préparation à la guerre, de brasser des jeunes hommes venus de toutes les régions de France et appartenant à toutes les couches de la société. Il contribuait puissamment au renforcement du sentiment de commune humanité et de commune socialité. Ce sentiment est en forte régression aujourd’hui. Il est donc d’autant plus urgent de le raffermir. Signe encourageant : les jeunes, femmes et hommes confondus, en sont fortement demandeurs. Mais les seniors sont eux aussi susceptibles d’être fortement et utilement mobilisés.
Mesure. À tous les jeunes gens ou jeunes femmes entre 18 et 25 ans, il sera proposé un service civique de six mois, renouvelable. Ce qui implique une aide fiscale aux structures d’accueil, de formation et de suivi des jeunes en service civique. Cette mesure doit pouvoir être étendue aux seniors qui pourront ainsi mettre leurs compétences au service de la collectivité tout en percevant un complément de leur retraite.
- Garantir le droit au logement
Motifs. Le droit au logement est un droit à l’existence. Rendu d’autant plus difficile à garantir qu’une ségrégation foncière structure la ségrégation urbaine. En 2008, la crise des subprimes a démontré que le logement des pauvres est au cœur du capitalisme financier via leur endettement. Il revient à l’intervention publique d’assurer l’accès au logement en reconnaissant la légitimité des manières populaires de produire la ville, et en assurant entre les quartiers, l'égalité des normes d'équipement et l’accès aux services urbains.
Mesure. Une loi d’urgence pour le droit au logement, première étape d’un plan prioritaire d’accès au logement pour tous mettra en avant : le refus des expulsions sans relogement, le respect du droit au logement opposable, la baisse des loyers, la lutte contre la spéculation foncière, la réquisition des logements vacants, l’accélération de la production de logements sociaux et, l’accès pour tous à l’espace public
Face à la crise environnementale
- Viser 100% d’énergies renouvelables à horizon 2050
Motifs. Il n’y a plus une minute à perdre pour lutter contre le dérèglement climatique, qui pourrait générer un milliard d’exilés climatiques d’ici 2050, et contre la surmortalité croissante due à la pollution. La France, qui a fait signer les accords de la COP 21, doit être exemplaire en la matière, et engager une diminution très importante de sa consommation d’énergie pour viser 100 % d’énergies renouvelables en 2050. Elle y trouvera d’ailleurs matière à relancer ainsi son économie.
Mesure. Dans la perspective du scénario Négawatt, outre des aides systématiques à la production d’énergies renouvelables, notamment sous forme coopérative, et l’arrêt des subventions aux énergies carbonées, une loi sur les économies d’énergie prévoira l’obligation de rénover 700 000 logements par an au niveau basse consommation, en mettant en place une obligation sélective de rénovation, accompagnée d'aides techniques et financières, en particulier pour les ménages précaires. Elle favorisera les transports en commun, le fret ferroviaire et fluvial. Elle alignera la réglementation concernant les appareils, équipements et véhicules sur les meilleures technologies disponibles, et la fera appliquer et contrôler par des organismes indépendants.
- Encourager la militance pour la survie de la Planète.
Motifs : Au-delà même de la lutte contre le dérèglement climatique, ce sont tous les équilibres environnementaux qu’il s’agit de préserver ou de restaurer. Face à la puissance des intérêts économiques, politiques et financiers qui concourent à leur destruction toutes les formes de militance non violente pour la survie de la Planète doivent être encouragées et protégées.
Mesure : Pour donner des droits à l’éco-système Terre, la Constitution reconnaitra des droits opposables en justice aux générations futures et à la Nature, ce qui permettra de poursuivre en justice les atteintes aux écosystèmes dont dépendent les êtres vivants (crime d’écocide). Dans cette optique La France retirera immédiatement son mandat donné à l’Union Européenne pour négocier les traités TAFTA, CETA et APE, et prendra l’initiative d’un mandat alternatif de «commerce juste».
- Loger dignement les victimes de catastrophes
Motifs. Inondations, accidents environnementaux ou industriels, effets du réchauffement climatique, tous ces risques ne peuvent que croître dans les années ou décennies à venir. Ajoutés à l’accroissement du nombre des réfugiés victimes de guerres, de génocides, de disettes, d’accidents climatiques etc., ils vont entraîner l’apparition de dizaines de milliers de sans-abris en France. Il faut s’y préparer dès maintenant pour pouvoir les héberger dignement.
Mesure. Aux termes d’une Loi de l’hospitalité, toute commune devra affecter au moins 1% de son budget à l’installation de logements décents permettant aux victimes de catastrophes qui y seront accueillies pendant un an, de trouver ou retrouver des conditions de vie durables. Cette mesure coûtera moins cher que les hébergements d’urgence actuels, aussi onéreux que dégradant.
Récapitulatif
- Créer une Chambre citoyenne, délibérative et consultative, composée de cinq cents à mille citoyens volontaires tirés au sort et renouvelés chaque année.
- Interdire le cumul des mandats et limiter leur renouvellement.
- Lutter contre les stigmatisations de genre ou de couleur de peau.
- Dans les services publics, préférer le dialogue aux procédures.
- Français et résidents en France, individus ou groupes, seront taxés en France sur leurs revenus mondiaux.
- Instaurer un impôt de 1,5% à 3,5% annuels sur le patrimoine au titre le la location de la Terre.
- Lutter contre l’obsolescence programmée par une obligation de garantie décennale et avantager fiscalement le commerce de proximité.
- Développer une politique du temps effectivement choisi.
- Lutter contre le chômage par une activation localisée des aides sociales à l’emploi.
- Instaurer un tronc commun jusqu’à la fin de secondaire et remplacer les notes par une évaluation formative et une pédagogie stimulante.
- Mettre en place les conditions d’une justice restauratrice.
- Alourdir la fiscalité pour les produits trop gras ou riches en sucre, en sel.
- Développer un service civique de grande ampleur.
- Garantir le droit au logement.
- Viser 100 % d’énergies électriques renouvelables en 2050.
- Encourager la militance pour la survie de la Planète.
- Chaque commune devra affecter au moins 1% de son budget à l’installation de logements décents pour les victimes de catastrophes, françaises ou étrangères.
Alain Caillé
[1] Pouvoir citoyen en marche regroupe, de manière informelle de nombreux réseaux de la société civique, dont le Pacte civique, le collectif Roosevelt, le Labo de l'Ess, Dialogues en humanité, les Convivialistes, les Colibris, Utopia, Printemps de l’éducation, Pouvoir d’agir, la FONDA, etc., et les réseaux du Collectif pour une transition citoyenne.