mardi 17 décembre 2019

Dès le départ les auteurs (français) qui allaient devenir les co-signataires du Manifeste convivialiste s’étaient déclarés d’accord pour tenter de rédiger un texte commun. Pas nécessairement sous le pavillon du « convivialisme » qui faisait problème à nombre d’entre eux. Encore fallait-il mettre à l’épreuve cette bonne volonté initiale et voir si elle résisterait à l’épreuve du débat sans animosité mais aussi sans concession sur tout un ensemble de sujets centraux et épineux.

Ce fut finalement le cas au fil d’une petite dizaine de réunions tenues entre février 2012 et avril 2013. Ayant pris l’initiative d’amorcer ce processus, je me suis senti le devoir de rédiger de petits comptes-rendus, subjectifs et non exhaustifs, de chacune des réunion. Les sympathisants du Manifeste convivialiste seront sans doute intéressés de voir comment les discussions se sont déroulées, et que quoi. Je donne donc ici des extraites de ces comptes-rendus.

Alain Caillé

Pendant que j’ai des souvenirs encore un peu frais, quelques lignes à destination des absents et pour fixer ce qui peut l’être en vue d’approfondissements futurs.

[…]

Réunion très chaleureuse, riche et amicale, là encore. Elle commence par de premiers échanges sur « Pour un manifeste du convivialisme ». Il ne s’agissait pas de discuter le livre en profondeur mais de fixer les points d’accord ou de désaccord principaux. Quant au fond, je n’ai pas noté de vrais désaccords, au contraire. Jusqu’à présent, les critiques les plus prononcées restent celles de François Fourquet, auxquelles j’ai tenté de répondre. Les doutes, plus que les critiques à proprement parler, portent sur les points suivants :

- Certains (comme la fois précédente), n’aiment vraiment pas le mot convivialisme. JC. Guillebaud, notamment. ll fait trop gentil, il rabat trop sur la festivité gastronomique. D’autres, au contraire (J-B. de Foucauld, Zhe Ji), y tiennent et revendiquent les connotations de partage et de plaisir d’être ensemble.

- Pour d’autres (comme Yann Moulier-Boutang l’autre fois, plus particulièrement), ce qui fait problème, c’est plutôt le isme, ce qu’il charrie d’aspiration au système, à une doctrinetotalisante. Point que développe notamment Geneviève Azam. Pour ma part, je revendique le isme et la nécessité de se situer par rapport aux doctrines existantes (libéralisme, socialisme, communisme, anarchisme) si l’on veut faire apparaître ce qu’ont déjà en commun, mais sans assez le savoir, toutes les expériences ou expérimentations pratiques et théoriques déjà existantes. Il ne s’agit donc pas d’apporter une doctrine qui tomberait du ciel, mais de mieux faire apparaître la doctrine commune déjà existante. Notre réunion même donne déjà de la crédibilité à ce point de vue. Soutenu notamment par J-B. de Foucauld et François Gauthier.

- Enfin, certains (et plus particulièrement Hervé Kempf) pensent que ce qui peut et doit nous réunir c’est la conscience de la catastrophe prochaine, une heuristique de la peur en somme, et qu’il faut se garder de prétendre donner à rêver et à espérer en un monde plus ou moins radieux, sous peine de retomber dans les illusions potentiellement totalitaires d’hier. D’autres, au contraire (dont moi) estiment qu’il sera impossible de rassembler des énergies si nous ne montrons pas ce qu’il y a à gagner avec la perspective convivialiste : un mieux vivre, sans doute, un meilleur accomplissement de soi pour le plus grand nombre.

On entame ensuite la discussion sur le thème de l’hubris avec les exposés de Geneviève Azam puis Jean-Pierre Dupuy. Tous deux très riches et suggestifs. Trop pour que je puisse en proposer un résumé (si l’un et l’autre pouvaient rédiger une ou deux pages synthétiques, ce serait réellement précieux). Très sélectivement, je retiens les points suivants.

 

L’intervention de Geneviève Azam

- L’humanité est devenue une force géologique (anthropocène), mais dominée par la toute-puissance de l’économie qui englobe désormais non seulement la société mais la nature elle-même.

- C’est l’idéal moderne de l’autonomie et de la liberté qui désormais devient intenable. D’une part nous constatons que nous ne pouvons pas (plus) tout faire. Quelque chose de notre histoire nous échappe. De l’autre, et pour cette raison, nous découvrons la dimension suicidaire de l’idéal moderne de la liberté qui a pensée celle –ci comme une transgression permanente des limites. De toute limite. Il faut au contraire penser la liberté, avec Castoriadis, comme acceptation des limites qu’on se donne.

- Il faudrait de ce point de vue entamer une discussion – toute une séance peut-être – sur le projet d’un revenu maximum.

- Dans le sillage de Naomi Klein on voit comment le discours de la catastrophe est devenu un des modes de régulation du système. Il ne génère que de la compassion, aucune action ou prise de conscience véritables.

En conclusion, que faire ?
Trois choses, principalement :

- (Ré)apprendre à penser les conséquences de nos actes, ce qui implique une certaine rupture avec le gigantismes de nos organisations.

- Développer la réflexion sur les communs, les communautés d’usagers unis par des règles d’usages.

- Retrouver une certaine extériorité, et notamment à la pensée occidentale. Entrer ainsi en dialogue avec, par exemple, les réflexions latino-américaines sur le bien vivir,inscrites dans les constitutions de l’Équateur ou de la Bolivie.

 

L’intervention de Jean-Pierre Dupuy

Jean-Pierre Dupuy pour sa part construit son exposé en deux temps à partir d’une citation de Ruy Blas : « L’homme est un ver de terre amoureux d’une étoile ».

La plus grande partie en est en fait consacrée à la critique de la corruption du christianisme développée par Illich dans un texte posthume (« La corruption du bien engendre le pire »). Tout se jouerait dans l’interprétation de la parabole du Bon Samaritain et de la réponse à la question : « qui est ton prochain ? ». La réponse qui a triomphé est celle qui veut que tous les hommes soient notre prochain. C’est elle qui ouvre la voie aux abstractions indifférenciées de l’utilitarisme et du kantisme, et à la démesure qui leur est inhérente. Et qui ouvre également la voie à la désacralisation dont ce christianisme corrompu aura été en définitive le vecteur. Il est en définitive responsable de l’abolition des limites Or, tout homme, pris dans on abstraction générique, n’est pas mon prochain, mais seulement celui, concret qui souffre et demande.

« L’homme est amoureux d’une étoile ». Pourrait-on l’en empêcher ? Plus concrètement, pourrait-on substituer au désir de puissance ou de richesse la passion de l’art par exemple ? Cette question, assez centrale, n’est guère développée. Jean-Pierre Dupuy se borne pour finir à laisser deviner son scepticisme. (y compris sur le projet de taxer les riches à 75% au-delà d’un million d’€ par an).

Réactions

Une vaste discussion s’engage alors, que je ne saurais restituer. Trois interventions m’ont plus particulièrement marqué (outre la mienne…). Celle tout d’abord, très concise et synthétique, de Barbara Cassin sur l’hubris en Grèce. Qui ne peut être régulé que par deux choses, l’aïdos (la pudeur inspirée par le risque que fait peser le regard des autres. La common decency serais-je tenté de dire (A.C .). Et diké. B. Cassin ajoute qu’elle n’a pas connaissance de cas d’hubris féminin. Et qu’il y a un domaine dans lequel l’hubris est toléré : le logos.

François Gauthier s’inscrit en faux contre l’affirmation de Geneviève Azam que nous ne connaissons plus d’extériorité. Il prend appui pour cela sur des déclarations de J-C. Guillebaud et Jean-Pierre Dupuy (et Geneviève elle-même) selon qui, pour les modernes adorateurs de la technique il faut s’ouvrir et céder à son imprévisibilité immaîtrisable. Comment ne pas songer ici aux décrets de la providence et à l’insondable des desseins de Dieu. Le marché aussi fonctionne comme une extériorité sacrée. Oui, mais elle est d’origine humaine, objecte Dupuy. Soit, mais ni plus ni moins, répond F. Gauthier, que les extériorités d’autres civilisations. Si nous voulons en effet dialoguer avec elles, comme le demande Genviève Azam, il ne faut pas commencer par nous octroyer le privilège d’une conscience supérieure.

Pour ma part je marque mon intérêt pour le propos d’Illich tel que rapporté par J-P.Dupuy en observant que pour J. Stuart-Mill l’utilitarisme tel qu’il l’entend ne fait que reprendre le message du Christ ou de Kant. Développons. On peut, je crois, soutenir l’idée que la fonction politique essentielle de toutes les religions (et de toutes les morales ou éthiques) a été de contenir l’ hubris (ou la volonté de puissance, la quête de reconnaissance, le désir, et tout ce qu’on voudra du même ordre) dans les limites du supportable. Avec beaucoup de ratés mais aussi quelques succès. Le christianisme (religion de la sortie de la religion selon Gauchet) serait, ainsi interprété, la première à échouer radicalement. La question qui nous est posée est celle de savoir si nous serons capables d’esquisser les traits d’une religion civile mondialisée (Zhe Ji cite à ce propos opportunément Robert Bellah) qui puisse réussir là où le christianisme kantisé et utilitaristisé aurait échoué (et ne parlons pas des religions séculières totalitaires, bien sûr).

François Flahault fait observer, corrélativement, que la Genèse met en scène un engendrement des humains dont on ne trouve aucun équivalent ailleurs. Des humains créés solitaires, auto-suffisants, et qui, peu à peu, d’ailleurs, s’imagineront être leurs propres créateurs et pouvoir vivre et valoir tout seuls, sans les autres. Alors que pour toutes les autres cultures il est évident qu’on ne peut vivre qu’en relation avec les autres. N’est-ce pas cet imaginaire constitutif de l’occident qui fait radicalement problème ?

Conclusion. Discussion très riche, on le voit. Mon seul regret est qu’elle soit peut-être restée un peu trop abstraite. La question centrale n’est-elle pas celle-ci : on ne supprimera pas lavolonté de puissance (et de créer) par un coup de baguette magique ou par des grandes proclamations moralisatrices (même si un peu de morale ne peut pas faire de mal, et étant entendu que la vraie morale se moque de la morale). Elle s’est déployée historiquement à titre principal dans la guerre, puis, peu à peu, dans l’accumulation de richesses. Dans l’invention technique et scientifique, aussi). Peut-on lui trouver un champ d’expression et de manifestation moins dangereux pour la survie de l’humanité ? La rivalité artistique, par exemple. Le sport aussi, bien sûr. Mais également l’inventivité civique et démocratique. La lutte pour la survie de l’humanité. Etc.

[…]

par Alain Caillé

Chers amis

 Je voudrais vous faire part de mes états d’âme suite à notre bonne réunion sur la transition du jeudi 29 mars. Je me sens en effet à la fois en harmonie, par un côté, avec ce que nous ont dit Bernard Perret, Hervé Kempf, puis, plus brièvement, Dominique Méda et Denis Clerc. Mais aussi, par un autre côté, en désaccord. Sur deux points :

 - 1. Ils nous ont décrit ce à quoi devrait ressembler une société a-croissante ou décroissante. Or, je ne me retrouve pas pleinement dans le type de société qu’ils semblent appeler de leurs vœux.

- 2. Par ailleurs, je ne vois toujours pas bien comment on pourrait ou devrait passer de la société actuelle, en stagnation ou décroissance forcée, à la société volontairement acroissante. Je ne me représente pas concrètement le processus de transition.

 

Quelle société a-croissante ?

 Si je devais fixer d’un trait la société que nos amis désirent faire advenir, je dirais qu’il s’agit d’une société du besoin. Quelque chose comme la « cité saine » de Platon. Cet idéal est parfaitement respectable et à de nombreux égards en effet souhaitable. Il est celui qui a présidé de tous temps à l’organisation du monde rural (certains parleraient de mode de production domestique). C’est un idéal d’autosuffisance autarcique, d’autonomie et de liberté, qui implique une gestion très serrée et un calcul permanent des ressources rares disponibles. Un idéal non pas utilitariste mais utilitairiste, dans lequel on cherche enpermanence à déterminer l’utilité véritable, objective et non subjective, de chaque consommation. La différence est que, ici, ce n’est plus la rareté des ressources privées de

chaque domaine ou de chaque exploitation qui s’avère contraignante et déterminante, mais la rareté des biens communs de l’humanité que sont le climat (le problème qui surdétermine tous les autres selon B. Perret) et les ressources énergétiques à long terme. Comme la rareté n’est pas une rareté privée mais une rareté commune, comme il s’agit d’une rareté à moyen terme, que ne savent gérer ni le Marché ni l’État actuel, systématiquement courtermistes, c’est à la société civile associationniste qu’il incombe de la prendre en charge en faisant adopter les mesures réglementaires qui s’imposeront et qu’il appartiendra aux États de faire respecter.

 Je n’ai rien à redire à cela. Sauf…Sauf que les sociétés humaines ne reposent pas, ou pas seulement, ou pas d’abord sur le besoin mais sur le désir. Ou, plutôt, sur la gestion du désir plus que sur celle du besoin. Notre problème premier est de savoir comment faire face à l’hubris, à l’aspiration à la toute puissance et à l’illimitation. Nous n’y répondrons pas en nous bornant à imaginer un monde dans lequel ce problème là aurait déjà été réglé et où il suffirait de gérer rationnellement la satisfaction des besoins sous contrainte écologique. En tout état de cause, pour qu’un tel monde puisse commencer à prendre forme il faut qu’il apparaisse au moins en partie désirable et qu’il soit effectivement désiré (le reste pouvant passer par la contrainte, comme l’a suggéré Barbara Cassin en rappelant comment l’interdiction de fumer dans les lieux publics a finalement été assez facilement acceptée). Ce n’est qu’une fois ce point acquis, une fois le désir un peu cristallisé, que l’on pourra commencer à s’occuper sérieusement des besoins.

 Or il ne faudrait pas que le discours du besoin, de la nécessité et de l’urgence, si justifiés qu’ils puissent être par ailleurs, rendent le projet particulièrement peu désirable. Une autre ligne de débat au sein de notre groupe pourrait porter sur le statut des indicateurs de richesse alternatifs. Personne ne doute que le PIB ne représente pas la vraie richesse et qu’il ne faille se donner de nombreux indicateurs de 36 000 variables pertinentes, environnementales, économiques ou sociales etc. Mais jusqu’où devons-nous aller dans la quantification et dans ce qu’on pourrait appeler la quantifiabilisation (la transformation du monde destinée à le rendre mesurable) ? Faut-il tout compter (et quoi) ? Certains parmi nous penchent pour l’affirmative. D ’autres, dont je suis, et sans doute B. Cassin, R. Gori ou Vincent de Gaulejac qui se battent contre la quantophrénie inhérente au neomanagement, seront certainement plus réservés. Je ne suis ainsi pas très rassuré quand j’entends B. Perret proposer : « d’équiper chaque individu d’une carte électronique analogue aux cartes bancaires pour lui permettre de tenir en temps réel un compte carbone individuel ». Bernard lui-même convient que « tout cela a un côté Big Brother ». J’avoue que pour ma part je préférerais tabler sur un regain de la vertu alimenté par une restructuration du désir. Mais peut-être n’aurons-nous bientôt plus le choix.

 

La question de la transition

 Mais bientôt, c’est quand ? Ce qui inspire les propos de B. Perret ou de H. Kempf, et qui explique leur tonalité utilitairiste, c’est un sentiment d’urgence absolue. C’est dans les toutes prochaines années, estiment-ils, que tout va se jouer. Or, quand bien même cela serait vrai, cela ne nous dit pas comment nous rendrons politiquement et symboliquement acceptable la transition vers la société a-croissante. Il ne suffit pas pour désintoxiquer desfumeurs invétérés d’écrire sur les paquets de cigarettes que fumer nuit gravement à la santé. Sur cette question du processus de transition, je vois deux alternatives et, partant, deux lignes de clivage possibles entre nous (mais que je crois surmontables) : 1. Sur le statut du rêve. 2. Sur l’intensité et l’urgence de la rupture avec la logique d’accroissement du PIB.

 Du rêve. H. Kempf a tenu à corriger ma restitution du propos qu’il avait tenu à la première séance. Il rectifie ainsi : « Eclaircissons d’abord un malentendu, qui est cependant éclairant. Alain Caillé, dans son compte-rendu de la réunion du 1 mars, écrit : « Certains (etplus particulièrement Hervé Kempf) pensent que ce qui peut et doit nous réunir c’est la conscience de la catastrophe prochaine, une heuristique de la peur en somme, et qu’il faut se garder de prétendre donner à rêver et à espérer en un monde plus ou moins radieux, sous peine de retomber dans les illusions potentiellement totalitaires d’hier». « Je n’ai pas voulu

dire exactement cela », écrit-il. Nous pouvons maintenant tous lire son interprétation, celle qu’il avait donnée oralement le 29 mars. Très pertinente et éclairante. Il a raison, je crois, d’expliquer, qu’au XIXème et au XXème siècle, ce qui motivait l’engagement politique et civique c’était l’espoir d’une société meilleure, la certitude qu’avec un peu de bonne volonté elle ne pourrait manquer d’advenir, alors qu’aujourd’hui le problème premier est d’abord de

savoir comment éviter la catastrophe. C’est exact. Dont acte. Il n’en reste pas moins qu’il sera impossible de mobiliser des énergies et des bonnes volontés pour sauver la planète si l’avenir n’apparaît pas au plus grand nombre plus désirable que le présent. Sans quoi chacun essaiera de sauver sa peau et ce sera le chacun pour soi généralisé. Fiat voluntas mea, pereat mundus. « Il ne faut pas rêver », dit H. Kempf. On peut le comprendre mais je me retrouve ici

du côté de Roland Gori, qui pense que les humains sont davantage animés par leurs rêves que par la Raison, ou de Jean-Claude Guillebaud quand il dit « qu’il ne faut pas sortir du rêve mais, au contraire, rêver encore plus », et qui ajoute : « Heureux celui qui répare le monde ».

 Comment sortir de l’hégémonie du PIB ? L’autre point qui fait problème est la tension, pour l’instant maximale, entre ce qu’il conviendrait de faire pour aller vers une société ayant renoncé volontairement au règne de l’impératif de la croissance, celle pour laquelle nous militons, et la situation actuelle de détresse de l’Europe, frappée par la récession. J’imaginer que nous sommes tous tiraillés (et, je suppose, plus particulièrement encore Denis Clerc) entre ces deux impératifs : l’impératif classique à gauche de relancer la croissance pour éviter la misère des plus pauvres, et l’impératif environnemental de la freiner pour éviter la misère générale de la planète. Ce tiraillement se redouble d’un autre.Dominique Méda cite Michel Husson qui estime que pour éviter la catastrophe écologique définitive, qu’elle juge probable vers 2020, il faudrait que le PIB mondial diminue de 3,5 % par an. La justice serait, ajoute H. Kempf, de commencer par les pays anciennement riches. Par nous, donc. Soit. Mais j’avoue que je doute que nous soyons politiquement audibles si nous déclarons qu’il nous faut au plus tôt décroître en France de, disons, 5% par an. Voilà qui pose la question du convivialisme dans un seul pays. Est-il pensable ? Où et par qui commencer ? Faut-il se résoudre au déclin de l’Europe, en commençant par son déclin économique ? Oui, semble penser B. Cassin qui nous dit qu’il faut savoir renoncer à la

puissance pour gagner en influence. Pour ma part, je n’y crois guère (ça me rappelle trop la fable du renard à la queue coupée). Je ne vois pas comment un continent en déclin économique, politique et culturel pourrait prétendre influer sur le cours du monde. Plus concrètement, et dans l’immédiat, je ne tiens pas spécialement à ce que Peugeot ou Renault se retrouvent au bord de la faillite, avec l’explosion de chômage qui en résulterait, tandis queVolkswagen et sa filiale Skoda inonderaient le marché, confirmant ainsi la position dominante de l’Allemagne.

 

Conclusion.

 Comment sorti de ces dilemmes ? De toute évidence, la voie est étroite et la passe à emprunter dangereuse. Il va nous falloir naviguer au plus près. Ou, si l’on préfère une autre métaphore, apprendre à jouer simultanément du frein et de l’accélérateur, en prenant garde à la sortie de route. Il me semble que la solution, s’il en est, passe par la conjugaison de trois démarches, largement évoquées par les uns et les autres, chacun à sa manière :

- Travailler encore, collectivement, pour rendre plus plausible et plus attrayant un monde débarrassé de l’impératif de croissance à tout prix. Il nous faut convaincre que non seulement il est le seul qui puisse nous permettre d’éviter la catastrophe, mais qu’en outre, il est le plus désirable pour l’immense majorité. Qu’il est celui de la vie bonne. Tout ce que nous dit B. Perret, dans son appel à basculer de la raison économique à la raison écologique et dont l’axe central est un impératif de démarchandisation me paraît juste. Reste à peindre le projet en teintes moins austères et plus chatoyantes.

- Symétriquement, il nous faut rendre évident qu’une des causes majeures de la fragilité bientôt fatale de la planète est l’explosion des inégalités depuis les années 70, et susciter un élan mondial d’indignation contre ces inégalités qui compromettent la survie du monde social (il ne peut pas y avoir de commune socialité entre les ultra-riches et les ultras pauvres) et celle du monde tout court. Je regrette que nous n’ayons toujours pas eu de discussion sur la question du revenu maximum (et je trouve que Denis a été trop timide sur ce point).

- Enfin, plutôt que de d’invoquer une sortie miracle du capitalisme, au risque de réveiller les fantômes d’une économie administrée, ou pire totalitaire, je crois qu’il serait plus utile de définir avec précision les droits des individus, des collectivités et de l’environnement qui nous paraissent inaliénables dans la perspective d’une vie bonne (il me semble que c’est la logique de la démarche de Gus Massiah). Si nous savons les défendre avec la résolution et la détermination nécessaires, le problème du capitalisme sera résolu du même coup.

QUELQUES RÉFLEXIONS SUITE À NOTRE RÉUNION DU 20 JUIN SUR LE THÈME 

Chers amis

Comme d’habitude, désormais, je ne crois pas inutile de vous faire part de quelques unes des réactions et réflexions que m’ont inspirées notre dernière séance (en espérant que d’autres fassent de même…). Introduite par les deux excellents exposés, synthétiques, deRoger Sue et Jean-Louis Laville. Le premier mettant notamment en lumière l’étonnant contraste entre la grande puissance du discours de l’Association dans les années 1848 au regard de l’extrême faiblesse concrète des associations de l’époque, et l’explosion associative contemporaine qui s’opère de manière quasiment silencieuse, sans paroles, et, le second, s’interrogeant, de manière complémentaire, sur les raisons de l’invisibilisation progressive depuis le XIXème siècle, du fait associatif. Alors, pourtant, précise Claude Alphandéry, que si dans les années d’après-guerre on attendait tout de l’État et fort peu des associations, on leur demande désormais de plus en plus.

Splendeur possible de l’associationnisme

Roger Sue insiste sur une série de paradoxes. Plus il se crée d’associations et moins on a le sentiment de voir émerger un « paradigme associationniste » ; plus elles jouent un rôle économique important dans la réalité et moins ce fait est reconnu en droit.

Un Pierre Rosanvallon, par exemple, ne place pas les associations au cœur de sa contre-démocratie,  comme cela semblerait pourtant logique. Sans doute cette faible visibilité des associations est-elle liée à la mutation de notre rapport au politique. Plus personne, désormais, ne veut être représenté, mais nous continuons pourtant à estimer que la politique légitime est nécessairement l’affaire de représentants. Pourtant, il faudra bien, leur conférer un statut central – via par exemple un vrai statut du volontariat et un doit de saisine du parlement par un Conseil économique et social rénové – dès lors qu’il apparaîtra clairement que nous sommes en train de passer d’une logique du service public à celle d’une gestion des biens communs.

Jean-Louis Laville, pour sa part, attribue cette invisibilité relative, amorcée de longue date, aux découpages disciplinaires académiques existants, à un certain style reçu d’histoire des idées, au hiatus séparant la pratique quotidienne de la vie associative du progressisme ambiant et, enfin, à une disparition progressive du bon utopisme. Pour l’avenir, il voit trois scénarios possibles :

1°) L’instrumentalisation des associations, via le neomanagement, par les entreprises ou par les administrations ;

2°) Leur enrôlement dans un « capitalisme moralisé » (cf. Yunus) dans lequel la lutte contre la pauvreté se substituerait à la lutte contre les inégalités ;

3°) l’avènement d’une véritable socio-économie plurielle dont ce qui s’ébauche en Bolivie ou en Equateur donne un avant-goût.

La discussion qui a suivi ces deux exposés a été particulièrement riche, m’a t-il semblé. Elle a fait apparaître de grosses divergences, mais sans aucune agressivité. Un vrai débat. Une caractéristique saillante et si réconfortante de notre groupe. Je n’essaierai certainement pas de résumer ou de rappeler les positions de chacun. Mais je voudrais tenter de formuler ce qui me semble avoir fait le cœur de la discussion.

Misère des associations

Le plus frappant aura été je crois, à l’encontre des exposés liminaires, l’expression d’une forte hostilité à l’idée qu’il puisse ou doive y avoir une politique de l’association, et, plus encore, à la proposition, que j’avais formulée à titre d’hypothèse en introduction, que leconvivialisme pourrait s’interpréter comme un associationnisme. Comme l’idéologie de la société civile associationniste ; Yann Moulier-Boutang insiste sur le fait que ce n‘est pas dans les associations mais dans les interstices entre les mondes des entreprises, des administrations ou des associations qu’il faut rechercher quelques raisons d’espérer, et, comme on a là des situations très variables et toujours singulières, il en découle qu’il n’y a pas de sens à tenter de rassembler tout cela sous le signifiant unique et commun de convivialisme. Ce n’est pas tant le mot qui est gênant que le isme qui le termine.

Thomas Coutrot pour sa part se livre à une charge très déterminée contre le monde associatif existant et contre l’espoir même – celui que caresse peut-être plus particulièrement Roger Sue – de lui voir jouer un rôle politique.

Qui s’intéresse à la CPCA et la connaît ?

Notre véritable objectif ne peut pas être de soutenir les associations mais de faire triompher une politique de l’autonomie, au sens de Castoriadis. Ce qui va de pair avec une aspiration à l’autogestion.

Christian Laval s’associe à toutes ces réserves fortes. Lui, comme d’autres, pointent en définitive le manque d’autonomie des associations tant vis-à-vis du Marché que de l’État. Au premier elles empruntent notamment un modèle gestionnaire néomanagérial, largement contradictoire avec leurs raisons d’être. Et elles dépendent trop lourdement des subventions dispensées par le second.

Sur ce dernier point, sur la question de la trop forte dépendance, notamment en France, du monde associatif vis-à-vis de l’État, je hasarde pour ma part une idée qui m’est chère. Transposée de l’individualisme de Durkheim et du républicanisme français fin XIXème-début XXème. Il ya bien en effet chez eux un individualisme mais, à la différence de l’individualisme dominant chez les économistes ou dans le libéralisme anglo-saxon, il s’agit d’un individualisme prioritairement normatif et non positif. Autrement dit, on ne présuppose pas que c’est par nature que les individus représentent la source légitime de la Loi, mais par culture. Ils ne sont pas naturellement autonomes. C’est l’éducation que doit les rendre tels. Et c’est donc à l’État qu’il incombe de fabriquer et d’instituer cette autonomie. Quitte à voir naître des citoyens capables de s’opposer à l’État. Pour la France, à tout le moins, un objectif essentiel n’est-il pas de convaincre les partis politiques qu’il est de leur devoir, voire qu’ils ont en définitive tout intérêt, à, aider le monde associatif à conquérir son autonomie vis-à-vis d’eux ? A instituer leur liberté comme l’École républicaine avait à charge d’instituer la liberté individuelle ? Idée bien traduite par Philippe Chanial parlant d’« association laïque et obligatoire ». Il s’agirait, en somme, d’instaurer une sorte de devoir d’association.

Encore, reprend Ji Zhe, faut-il ne pas idéaliser les associations en évacuant la question du pouvoir. Il y a plus de deux cents associations chinoises en France. Elles servent principalement outre des avantages matériels bien tangibles, à assurer à leurs équipes dirigeantes des positions de pouvoir, en France ou en Chine même. Plutôt qu’une politique de l’association ne faudrait-il pas viser une politique de l’amitié ?

Convergences ou déplacement des divergences ?

Mais peut-être en définitive, les oppositions au sein de notre groupe sont-elles moins fortes et insurmontables que la discussion n’a pu le laisser croire. Les objections concernent en effet bien plus les associations que le principe de l’Association en tant que tel. Et surtout si on fait entrer dedans un idéal d’autonomie et d’amitié. Reste alors à se demander si les associations ne sont pas en principe les mieux placées, au moins en droit, pour mettre enœuvre les valeurs de l’Association. Et, en tout cas, à évaluer leur écart aux valeurs dont elles se réclament.

Posons donc ainsi la question : l’accroissement indubitable du nombre des associations est-il un bon indice du succès de l’idéal Associationniste ?

Oui, semble penser Roger Sue, mais pour des raisons qui n’emportent pas la conviction générale. S’appuyant sur les sociologies de l’individu, notamment celle de Singly. Il voit dans la prolifération associative le triomphe de l’idéal d’émancipation individuelle. Voilà qui pose la question du statut de l’individualisme contemporain et de son rapport au fait associatif. Le fait que, comme il le dit, on s’engage ans les associations principalement par plaisir, est-il l’indice d’un triomphe de l’idéal d’autonomie ? Il est permis d’en douter. Pour ma part, je crois que les sociologies de l’individu gagneraient à distinguer entre individu, personne, citoyen et être humain générique et à ne pas conclure trop vite que le gain en individualisme soit un véritable gain en individualité ou individuation, et qu’il pourrait s’opérer facilement sans dégâts sur les rôles de la personne, du citoyen et de l’être humain générique.

Cette discussion renvoie à une autre tension latente tout au long de la discussion, entre point de vue positif (« scientifique ») et point de vue normatif. C’est au nom de la complexité du réel que certains d’entre nous répugnent à la tentation de subsumer nos positions sous un signifiant ou un drapeau unique.

Pour ma part, rejoint en cela par Thomas Coutrot, il me semble que le principal défi que nous avons à surmonter est celui de l’éparpillement des pratiques et des idées alternatives et que nous ne serons susceptibles de peser que si nous savons affirmer, grâce à un drapeau commun, que ce qui nous réunit est plus fort que ce qui nous divise. Je revendique donc le projet d’élaborer et d’affirmer une idéologie (au bon sens du terme, cela va sans dire). Ce mot gêne Jean-Baptiste de Foucauld qui craint, à juste titre, que nus donnions l’impression de prétendre fournir un ensemble de recettes, susceptibles d’opérer toutes seules, mécaniquement, sans que personne ait à y mettre du sien. Ce n’est pas pour ma part ainsi que je l’entends. Il me semble que l’idéologie (au bon sens du terme) que nous avons à charge de formuler doit indiquer une direction souhaitable à la fois pour un changement collectif et pour des transformations individuelles.

C’est d’ailleurs à l’articulation de ces deux orientations qu’il faudrait soulever la question essentielle que nous n’avons pas abordée (juste mentionnée par Ji Zhe) : celle du rapport au pouvoir. Les conflits de pouvoir n’ont-ils pas tendance à être encore plus violents ou ravageurs dans les associations que dans les entreprises ou dans les administrations ?Comment faire pour les limiter ?

Autres thèmes

À l’horizon de ces discussions s’en profilent d’autres. En lien avec les travaux d’Ostrom et avec un certain retour de l’idée communiste un autre signifiant que celui de l’Association est en train de faire son entrée en force dans le débat idéologico-politique, celui des communs ou des biens communs. Est-ce vraiment d’un autre débat que celui sur l’Association qu’il s’agit ? Car n’est-ce pas par des associations que ces communs devraient être gérés ? Encore faudrait-il préciser le sens même du terme.

Jean-Pierre Dupuy rappelle à ce propos fort opportunément qu’en anglais, souvent, common signifie simplement public.

Voilà qui repose plus fondamentalement la question qu’il nous fait maintenant aborder frontalement : dans la gestion des biens communs ou publics, quel rôle croyons-nous qu’ilfaille attribuer, respectivement, à l’État, au Marché ou à la société civile associationniste, et dans quel type d’interrelations entre eux ?

COMPTE-RENDU DE LA RÉUNION DU 11 SEPTEMBRE

Séance très riche, encore une fois, dont je propose un compte-rendu tout subjectif, une fois encore. Elle faisait suite à la séance de juin, intitulée « Une politique de l’Association ? » dont j’avais retenu pour ma part, au premier chef, que si beaucoup parmi nous s’étaient montré très critiques des associations existantes et refusaient de s’appuyer sur elles en quoi que ce soit, tous, en revanche, s’étaient montré favorables à ce qu’on pourrait appeler un principe associationniste. Qu’en déduire ? Que nous prônons un Associationnisme sans les associations ? Ou bien que nous voulons qu’elles soient subordonnées à autre chose qu’elles mêmes ? Par exemple, une politique du bien commun ? Ou des communs ? Ou, encore, des biens communs ? Etc. La variété même des termes, rendait nécessaire d’y voir plus clair.

Il revenait à François Flahault d’ouvrir la séance en rappelant certains thèmes de son livre, Où est passé le bien commun ?. Ce qu’il fit en commençant par présenter les distinctions proposées par l’économiste Alain Beitone entre biens collectifs, biens publics, biens communs ou biens de clubs etc. Ce qui suscita aussitôt de multiples réserves et critiques, pour des raisons qui s’éclaircirent dans la suite de la discussion. L’idée centrale à avoir en tête selon F. Flahault est qu’il ne faut surtout pas confondre le bien commun avec l’intérêt général. Ce qui est problématique avec les définitions, par ailleurs éclairantes, des économistes (croisant les critères de rivalité/non rivalité et excluabilité/non excluabilité), c’est qu’elles raisonnent en posant comme point de départ la séparation des individus. Or, explique François, «la coexistence précède l’existence». De ce postulat, inverse de celui des économistes et du discours philosophique dominant, résulte la définition suivante du bien commun : « Tout ce qui soutient la coexistence » 3

Une autre définition, intéressante, pointe tout ce qui n’est bien que d’être vécu qu’en commun. Tout ce qui est bien, précisément parce que c’est commun (il serait intéressant de multiplier les exemples). Mais une telle définition, outre qu’elle sort de l’axiomatique de la séparation originelle des individus, a également l’intérêt de rompre avec une logique de la consommation. Les biens collectifs culturels, par exemple, ne sont pas immédiatement appropriables : il faut payer de sa personne, et travailler pour se les approprier.

Bernard Perret observe que les biens communs, ainsi conçus, sont de l’ordre de ce que, dans le sillage d’Arendt, il nomme les biens constitutifs. Piste qui mérite, je crois, d’être suivie.

3 Définition qui me semble recouper partiellement la définition du care selon Joan Tronto. Il serait intéressant de tenter une articulation.

Dominique Méda pose la question de savoir qui est autorisé à définir et à dire le bien commun ? Une assemblée politique ?

Jean-Pierre Dupuy pointe une erreur de traduction systématique dans la littérature économique française, qui a d’importantes conséquences. Public Goods est traduit par biens collectifs, pour éviter la traduction « biens public »s, parce que pour les Français, Biens publics désigne a priori les biens produits par l’États. Or c’est une grave confusion que d’assimiler le public et l’étatique. Il faut au contraire entendre public au sens kantohabermassien de la publicité.

Chantal Mouffe, en écho à la question de D. Méda, note qu’il n’y a pas de bien commun et que cependant on ne peut pas se passer de l’évoquer. De mon côté, je fais observer que toute cette discussion pose la question de savoir pour qui, pour quel collectif (la famille, la région, une nation, un continent, l’humanité etc. ?) un bien est commun, public ou collectif. Au nom de qui, à quelle échelle, parlons-nous ? C’est au fond la question qu’évoquera François Fourquet plus tard dans la réunion.

Vincent de Gaulejac, en écho à Chantal Mouffe pose qu’il est impossible de parler de bien commun sans évoquer la conflictualité et la lutte des places. Je propose alors, sans aucun succès, une motion de synthèse : la politique du bien commun est celle qui donne au plus grand nombre le « sentiment d’exister » (titre d’un autre livre de F. Flahault).

B. Perret quant à lui propose d’articuler la notion de bien commun à celle de monde commun selon Arendt.

La parole est ensuite donnée à Gus Massiah qui nous livre un exposé passionnant sur les trois périodes de l’altermondialisme en insistant en introduction sur l’émergence dans les forums sociaux d’une multiculturalité radicale et sur l’impossibilité et l’inutilité de traduire les termes centraux du discours politique. Il faut faire l’effort de comprendre l’autre dans sa propre langue.

La 1ère période (de Porto Alegre jusqu’à 2008) s’est essayée à définir les biens publics mondiaux (régionaux ou socio-culturels).

La 2ème, à partir de 2009, avec la préparation du forum de Belem ; a mis sur le devant de la scène la question des femmes et celle de l’économie sociale (Via Campesina), et a vu la montée des revendications des peuples indigènes qui aboutit à une critique de la civilisation moderne au-delà du seul capitalisme. Tout ceci débouche sur le Manifeste pour la récupération des biens communs, en référence aux services publics locaux.

La 3ème période, RIO+20, met au centre des préoccupations la critique de l’économie verte, infiltrée par les multinationales qui entendent financiariser et privatiser la nature.

Quant à la perspective d’un Green Deal, assez séduisante, elle se heurte, au fait que ses protagonistes sont souvent des patrons et qu’elle ne remet pas en cause le productivisme.

Le projet retenu est celui de la Transition sociale, écologique et démocratique qui met en exergue six notions :

1°) Le bien commun ;

2°) Le buen vivir ;

3°) La gratuité (cf. lestransports publics à Aubagne) ;

4°) Les services publics ;

5°) La démocratie radicale ;

6°) La décolonisation.

Pour finir, François Fourquet qui n’était pas intervenu jusque là, fait une intervention remarquée en rappelant la notion médiévale de propriété éminente. C’est le roi qui est le propriétaire éminent de toutes les terres du royaume. Par ailleurs, selon la doctrine de Saint Thomas, le droit de propriété est subordonné à l’utilité commune. Si l’on actualise ce propos, il convient d’affirmer que c’est la communauté mondiale qui est le propriétaire éminent de la planète. Cette formulation semble tout à fait intéressante. Elle répond en partie à la question de savoir entre qui le bien commun est commun. À cela près que, comme le fait observer Jean-Baptiste de Foucauld, la communauté mondiale n’existe pas et qu’il nous faut donc faire avec les communautés politiques réellement existantes.

[…]

COMPTE-RENDU SUBJECTIF DE LA SÉANCE CONVIVIALISTE DU MERCREDI 24 OCTOBRE 2012 SUR :

Je persévère dans mon rôle de diariste subjectiviste pour tenter de fixer a minima ce qui s’est dit dans cette séance du 24 octobre. L’exercice est ce coup-ci particulièrement délicat puisque nous avons entendu quatre (et même cinq) exposés, extrêmement riches, et qui, comme me l’écrivait à juste titre Philippe Frémeaux (qui rejoint notre groupe), auraient, chacun, mérité d’occuper la séance entière. Comme d’habitude, je profite de ce travail pour poser à leurs auteurs certaines questions ou formuler certaine observations que je n’ai pas pu développer sur le coup.

C’est VINCENT DE GAULEJAC qui a ouvert le premier champ de discussion en rappelant comment dans les années 80 s’est développé le rêve d’une entreprise convivialiste, réconciliant l’homme et l’entreprise, via le projet ou la culture d’entreprise. Emblématique, le célèbre Le prix de l’excellence de Peter et Waterman. Or, dix ans après sa parution (et son triomphe planétaire), Peter constatait que la moitié des entreprises « excellentes » qui leur avaient servi de modèles, avaient disparu, et en concluait qu’il fallait désormais développer une culture de l’échec, apprendre et se préparer à échouer. Car « l’excellence mène à l’échec ». Se développe alors un « chaos management » que Vincent présente comme participant d’un système globalitaire 4 , qui repose sur des injonctions « paradoxantes » (« Vous êtes libre de travailler 24 h sur 24 »), abolissant toute séparation entre le temps personnel et le temps pour l’entreprise, ce qui explique que « plus on gagne de temps et

4 Notion de globalitarisme qu’il m’est arrivé à moi aussi d’employer comme complément de ce que j’appelle le parcellitarisme, ou encore un totalitarisme à l’envers.moins on en a ». La caractéristique majeure des nouveaux styles de management qui se développent dans ce sillage est la psychologisation du conflit. La lutte des places succède à la lutte des classes, dans une atmosphère ambiante de quantophrénie généralisée, de contrôle par les chiffres, complément indispensable d’une gestion paradoxante qui repose sur une « autonomie contrôlée ».

Face à ce néomanagement aliénant, Vincent propose de tenir bon sur trois principes :

 - Traiter l’autre comme un sujet réflexif ;

 - Éviter la transformation des contradictions en paradoxes en développant des médiations :

 -Trouver un équilibre entre logique de la finance et logique sociale en évitant la « prescriptophrénie ».

À la suite de cet exposé, Roger Sue, Gus Massiah et Philippe Frémeaux se demandent « si c’était mieux avant » et s’il ne faudrait pas distinguer davantage entre PME et grandes entreprises. Pour ma part, je serais demandeur de plus de précisions (que Vincent n’a pas eu le temps de donner) sur la succession et la logique des divers systèmes managériaux mis en place depuis une trentaine d’années. Quel est le rapport, par exemple, entre le « chaos management » et le reporting ou le benchmarking qui représentent la source directe de la quantophrénie ?

DIDIER LIVIO, ancien président du Centre des Jeunes dirigeants, qui a milité à cette époque pour l’avènement d’une entreprise citoyenne, présente, ensuite, les quatre principes ou préceptes, « convivialistes » à son sens, qui inspirent Synergence, le cabinet de conseil dont il est le président :

 1. Partir en priorité de la question de l’environnement et de l’objectif de réduction du C0², le plus facilement objectivable et qui commande le reste.

 2. Mettre une place, bien au-delà de la juxtaposition de la comptabilité de l’entreprise, du bilan social et du bilan environnemental, une « comptabilité universelle » qui intègre toutes les externalités

 3. À partir d’un tel bilan qui fait apparaître comme critère de performance autre chose que la seule rentabilité financière, surfer sur le culte de la performance qui règne dans les entreprises pour les inciter à la réforme.

4. Et, à plus long terme, faire évoluer le droit des sociétés pour amener à distinguer clairement entre comptabilité de l’entreprise (qui n’a pas de statut juridique pour l’instant) et comptabilité de la société.

HERVÉ CHAYGNEAUD-DUPUY, vice-président de Synergence, complète :

1°) La tactique, le moyen habile, est d’essayer de prendre les dirigeants à leur propre piège, de les inciter à rivaliser sur des objectifs transformés.

2°) Il faudrait instaurer pour les salariés dans lesentreprises un droit de retrait. 3°) Et inciter les entreprises à contribuer au développement et à l’autonomie du monde associatif5

.

Plusieurs commentaires suivent :

Bernard Perret complète ces analyses et observations en rappelant qu’il faudrait poser la question de savoir qui est propriétaire de l’entreprise (cf. sur ce point les recherches de Favereau et Hatchuel). Ce ne sont pas les actionnaires, puisque, en droit, un propriétaire est responsable des dégâts occasionnés par le bien dont il est propriétaire (une tuile qui tombe sur un passant, par exemple), ce qui n’est pas le cas des actionnaires. Il faut aller vers une institutionnalisation de l’entreprise qui respecte le pluralisme des valeurs.

Jacqueline Morand, en juriste, attire l’attention sur l’entrecroisement croissant du droit public et du droit privé.

Jean-Baptiste de Foucauld explique que la réponse à la question de la (bonne) place de l’entreprise doit être donnée en fonction de quatre séries de considérations :

 1. Quel est le bon niveau de concurrence ?

 2. Qu’est-ce qu’un juste profit ? Jean-Baptiste propose d’instaurer un impôt progressif sur le profit.

 3. Les managers devraient être rémunérés en fonction de la durabilité de l’entreprise.

 4. Et selon la qualité humaine du management. 

Roger Sue fait remarquer qu’on ne peut pas tout faire et qu’il faudrait donc sans doute mieux hiérarchiser les objectifs, à quoi D. Livio répond qu’il faut en réalité attaquer sur plusieurs points, interdépendants, en même temps. Christophe Fourel demande quel rôle on attribue aux syndicats dans cette perspective. Gus Massiah juge intéressante la perspective d’une comptabilité universelle, mais s’interroge sur son statut en cas de faillite.

Pour ma part, je serais désireux d’approfondir la discussion sur au moins trois points.

1. Je suis à la fois séduit mais perplexe face à l’idée d’une comptabilité universelle. Ne risque-elle pas de se heurter aux mêmes problèmes que ceux que soulève l’appel au calcul d’un indicateur de richesse synthétique alternatif au PIB ?

2. Par ailleurs, Didier et Hervé ne nous ont rien dit du style de management qu’ils préconisent. Ils ne répondent donc pas directement aux analyses et critiques de Vincent. Or, je crois qu’il nous faut nous prononcer 

5 Hervé Chaygneaud et Didier Livio ont accepté de nous rejoindre dans le groupe convivialisme.

6 Perspective que je critique in L’idée même de richesse, La Découverte, 2012. Pardon de me citer…sur le statut du management par reporting. Sur la quantophrénie et la prescriptophrénie. Ce n’est qu’ainsi que nous pourrons dessiner les traits d’un management « humain », pour le rire dans les termes de Jean-Baptiste. 3. Enfin, il faut bien observer que les propositions de Vincent, Didier et Hervé ne sont pas sans susciter un certain scepticisme. Les entreprises, et notamment si elles sont grosses, ne sont elles pas nolens volens contraintes de sacrifier de l’humain à la rentabilité qui assure leur survie ? Et d’ailleurs, comme l’observait Didier Livio en introduction à son exposé, on ne peut pas proposer aux entreprises un objectif d’ « état économique stationnaire », fût-il « dynamique », pour reprendre la formulation que je risque ans Pour un manifeste du convivialisme. C’est bien évident.

Aussi, mon pari est-il le suivant : que des entreprises qui adopteraient une éthique convivialiste, i.e. avec un management humain, faisant droit à la subjectivité réflexive–, des entreprises « vertueuses », puissent se révéler plus efficaces et rentables que les entreprises vicieuses, et les éliminer peu à peu du marché.

Un tel pari est-il tenable ? La chose peut tout d’abord sembler bien improbable et relever davantage du vœu pieux que de l’analyse objective.

C’est ici que les études mentionnées par JACQUES LECOMTE, dans le troisième exposé de la soirée, se révèlent plus que précieuses. Il nous a présenté le cas de quatre très grandes entreprises, américaines ou françaises (les Zobristes, Lafarge) inspirées par la théorie du « servant leadership » tout d’abord formulée par Greenleaf. Je ne tenterai pas de résumer les quatre cas exposés par J. Lecomte. La soirée était déjà avancée, il lui a fallu le faire à toute allure et je n’ai pas eu le temps de prendre de notes un tant soit peu détaillées.

Et, de toute façon, Jacques a accepté ma proposition de nous donner un petit topo écrit. Je garderai donc simplement ici l’idée que de très grandes entreprises qu’on semble pouvoir dire convivialistes sont, jusqu’à plus ample informé, concevables, qu’il en existe, et qu’elles marchent. Non pas malgré leur choix convivialiste mais en raison de lui. Des entreprises convivialistes, qu’est-ce à dire ? Disons qu’il s’agit d’entreprises qui semblent respecter notamment les trois principes énoncés par Vincent. Ou encore, qu’elles font le choix d’un management humaniste.

Je n’entreprendrai pas non plus de résumer avec quelque détail l’exposé de PHILIPPE

FRÉMEAUX, qui clôturait la soirée, puisqu’il nous a envoyé copie de son exposé.

Particulièrement important pour nous puisque, dans le sillage de son livre, La nouvelle alternative. Enquête sur l’ESS, il permettait de poser la question de savoir dans quelle mesure l’ESS peut être pensée comme présentant une alternative au capitalisme. La réponse est clairement négative si l’on considère les trois critères qui définissent l’économie sociale :

 - 1. La non lucrativité ? Elle ne rend pas nécessairement plus vertueux, comme en attestent de multiples exemple.

 - 2. L’utilité sociale ? L’ESS est loin d’en avoir le monopole.

 - 3. La gouvernance démocratique ? Elle est, bien sûr largement de l’ordre de la rhétorique. Une rhétorique qui sert en fait à garantir la reconduction des équipes dirigeantes. Curieusement,

c’est sur ce troisième point que Philippe est en fait le moins critique. On comprend bien qu’il soit possible de faire l’éloge de mécanismes qui permettent le maintien aux affaires dedirigeants soucieux de respecter les valeurs fondatrices (moi-même au MAUSS….) mais il est plus discutable de désigner ces mécanismes de reproduction-reconduction comme démocratiques.

En fait, seules les SCOP sont réellement proches des idéaux constitutifs de l’économie sociale, mais elles ne comptent que 40 000 salariés sur les deux millions et demi de l’ESS.

Pourquoi un aussi faible effectif ? Parce que la coopérative ne marche que lorsqu’elle réunit des égaux, qui pourraient travailler seuls mais qui ont jugé plus efficace et préférable d’associer leurs compétences.

EN CONCLUSION, Philippe, pourtant sympathisant et pratiquant de l’ESS, ne croit nullement qu’elle puisse être généralisée. Il faut donc, à ses côtés, reconnaître la pleine légitimité de l’économie privée. De l’économie capitaliste ? Marchande ? Pour ma part, sauf à se mettre d’accord sur certains points, je ne crois pas à la pertinence de la distinction entre Marché et Capitalisme, dans laquelle nombre de nos amis placent leurs espoirs (« Abolissons le capitalisme, gardons le Marché »). Pas plus, la discussion l’a montré, qu’à une opposition tranchée entre mauvaise économie capitaliste et bonne ESS. Plus important pour nous, sans doute, serait de définir les critères d’une organisation ou d’une entreprise « convivialiste », qu’elle relève du secteur capitaliste, du secteur de l’ESS ou de celui de l’économie publique.

Nous en avons vu apparaître quelques uns au passage. Resterait à les rassembler et à les systématiser. Mais resterait aussi, peut-être, à aborder de front la question de la taille légitime, émise à la fin par Gus : n’y a-t-il pas une taille maximale des entreprises au-delà de laquelle tout espoir de convivialisme risque de s’avérer nécessairement vain ?

COMPTE-RENDU SUBJECTIF DE LA SÉANCE DU 20 FÉVRIER 2013 SUR (à peu près…)

Très riche séance encore hier soir. Toujours amicale, ce qui n’allait pas absolument de soi car, sur le rôle de l’État et l’avenir possible et souhaitable de l’Europe les tensions étaient vives, et le consensus bien improbable.

L’Europe ? Quelle Europe ?

Jean-Claude Guillebaud, terrassé par la grippe, avait dû déclarer forfait.

Heureusement, Yann Moulier-Boutang, piqué au vif par les quelques lignes que j’avais rédigées afin de faire réagir…avait réagi. Sous la forme d’une dizaine de pages envoyées quelques heures avant la séance et qu’il a reprises hier soir (Cf. son texte en annexe, avec celui de François Fourquet).

Je n’entreprends pas de résumer son propos puisque tout le monde aura pu le lire (et je reprends ici son texte en annexe). En un mot pour lui, l’État-nation est plus que dépassé. Il ne contrôle à peu près plus rien, et c’est tant mieux car il est urgent d’aller vers une Europe radicalement fédérale (et non confédérale), à faire naître par une sorte de constituante élue par tous les Européens. Proposition voisine de celle que développe D. Cohn-Bendit dans son dernier livre. YMB tire argument de l’opposition du parlement européen au budget proposé par la commission pour y trouver les prémices d’une volonté fédéraliste qui pourrait s’imposer rapidement selon lui. Thèse brillamment argumentée et développée, à laquelle presque tout le monde a trouvé quelque séduction dans telle ou telle de ses composantes, mais qui s’est heurtée aux objections variées d’à peu près tout le monde.

Personne ne se lançant, je fis valoir pour ma part que :

- Seule l’Europe prétend passer outre l’État-nation qui, malgré toutes ses difficultés et contradictions possibles n’apparaît donc nullement moribond ni aux États-Unis, ni en Chine, ni en Inde, ni au Japon, ni au Brésil etc. Nulle part sauf en Europe. Seule celle-ci l’invalide, et affaiblit ses États membres à défaut de pouvoir construire un État propre.

- YMB s’en réjouit, et se réjouit de toutes les indépendances provinciales qui s’annoncent avec les sécessions possibles ou probables de la Catalogne, de l’Écosse etc. Ainsi sortirait-on d’une logique de la puissance. Je vois plutôt pour ma part l’entrée dans une logique de l’impuissance et, avec les revendications régionalistes ou nationalistes, la rupture de toutes les solidarités qui s’exerçaient dans le cadre de la nation.

- Enfin, on ne voit poindre aucune opinion fédéraliste européenne, aucune force sociale ou politique susceptible de faire sien le projet défendu par Yann qui m’apparaît donc comme une vue de l’esprit.

Bernard Perret fait alors valoir qu’aujourd’hui encore c’est massivement dans le cadre des États nationaux que l’on sait agir, mener des politiques publiques dignes de ce nom et que l’Europe fédérale est pour l’heure bien incapable de s’y substituer.

Thomas Coutrot se dit en fait scandalisé par le propos de Yann qui ne veut pas voir que pour l’instant la dynamique européenne est celle du néo-libéralisme qui procède pas à pas à la destruction de toutes les conquêtes et de toutes les protections sociales. Et qui impose une récession absolument dramatique. Il est quant à lui fédéraliste, comme Yann, mais ses longues années de militance altermondialiste lui font conclure qu’il n’y a pas d’opinion publique européenne supranationale et qu’il n’y a donc que dans le cadre national qu’il est possible de s’opposer aujourd’hui au néolibéralisme7

. L’éclatement des États en provinces indépendantes signifie(rait) le triomphe des égoïsmes. Tout simplement, les provinces les plus riches ne veulent plus payer pour les provinces les plus pauvres. Et l’on peut ajouter,

7 À la lecture de ce CR, Thomas a réagi comme suit : merci Alain de ce compte-rendu rapide et brillant. Je me permets toutefois de rectifier un propos que tu m'attribues et où j'ai donc dû manquer de clarté: je ne crois pas "qu’il n’y a que dans le cadre national qu’il est possible de s’opposer aujourd’hui au néolibéralisme": nous passons beaucoup de temps (avec peu de succès) à essayer de construire un mouvement social européen, parce que nous croyons que c'est la condition nécessaire d'une refondation européenne, aujourd'hui indispensable. L'échelle nationale est définitivement dépassée pour trouver des réponses aux défis actuels.

Non, le problème que j'ai soulevé est celui de la contradiction entre l'échelle des actuels mouvements de résistance (principalement nationale) et la nécessité de réponses a minima européennes; la seule façon (à mon sens) de surmonter cette contradiction n'est pas de s'en remettre aux élites éclairées qui siègent au Parlement européen (option défendue par Yann), mais d'œuvrer à ce que les ruptures politiques inévitablement nationales enclenchent une dynamique de contagion solidaire européenne (une des premières conditions étant que les acteurs nationaux de ces ruptures recherchent ces alliances européennes, ce qui est par exemple le cas de Syriza aujourd'hui; mais il faut aussi que dans les autres pays les forces progressistes appuient fortement les initiatives de rupture, pour contribuer à leur donner cette dynamique européenne).selon moi, que c’est la même dynamique que l’on voit à l’œuvre entre États au niveau de l’ Europe. Quelles sont les mesures, décidées nationalement, qui seraient susceptibles d’avoir un écho européen et d’être généralisables selon Thomas ?

Deux au minimum : la réduction (l’annulation ? ) de la dette, décidée d’en bas, et non imposée par la commission ou par les banques ; le retour aux monnaies nationales en complément de l’euro et des monnaies locales.

Gustave Massiah, dont le remarquable texte qu’il nous avait envoyé confirmait qu’il n’existe pas de mouvement social européen, qu’on ne peut donc pas faire fond sur lui, dit sa sympathie à long terme pour le projet fédéraliste défendu par Yann mais objecte qu’on ne peut pas s’appuyer sur le long terme pour régler les problèmes actuels. In petto, je me dis que c’est à un problème du même ordre que nous avons affaire, plus généralement, dans la perspective convivialiste. Nous sommes en effet partisans d’un fort ralentissement de la croissance à moyen terme, mais à court terme nous ne pouvons que constater les dégâts que ce ralentissement entraîne. Et nous manquons toujours cruellement d’un programme de transition crédible.

Hervé Chaygnaud observe que ce sont les petits États, la Suède, le Danemark etc. qui se tirent le mieux d’affaire, qu’il sont de la même taille que les gros Länder ou les grandes provinces, et en déduit donc que c’est la bonne échelle pour agir. Mais ajoute-t-il, cela suppose que l’Europe ait une réalité. Sans quoi, serais-je tenté d’ajouter pour ma part, avec cette partition généralisée des États-nations, nous n’irons que vers une accentuation de la lutte de tous contre tous.

Alfredo Pena-Vega qui termine une longue enquête sur la perception de l’Europe chez les jeunes (en Bourgogne), constate que l’Europe ne fait absolument plus sens pour eux et qu’ils ne voient en rien ce qu’elle peut leur apporter.

Pierre-Olivier Monteil, qui nous a rejoint fait observer qu’on ne peut pas raisonner sur le projet européen sans prendre en compte un travail de mémoire qui n’a pas été suffisamment fait.

François Flahault attire notre attention sur le fait que les Européens ne sont nullement conscients du fait qu’ils sont sous domination culturelle et symbolique, sous hégémonie étatsunienne. Comment l’Europe pourrait-elle réellement advenir si elle n’est pas porteuse d’un modèle social et culturel différent ? À quoi Dick Howard objecte que les États-Unis n’existent pas comme sujet parce que personne n’est constitutionnellement habilité à parler en leur nom.

Jean-Baptiste de Foucauld estime que le convivialisme doit porter une attention toute particulière aux nouveaux acteurs qui émergent à une échelle supérieure à celle des nations  ais qui n’est pas non plus celle du monde. Les ONG notamment. Reste à ne pas esquiver la question de la puissance.

Marc Humbert, enfin (mais peut-être était-ce après l’exposé d’Alfredo) remarque que nos États-nations sont devenus radicalement pluri-culturels et ethniques, que les politiques antiimmigré sont devenues de plus en plus violentes et insupportables, et qu’il nous faut donc penser et mettre en place de nouveaux modes de cohabitation possibles.

Christophe Fourel, lui, soulève la question décisive. Non pas tant celle de savoir quelle Europe se dessine ou est possible, mais laquelle nous souhaitons. Et avec quelle structure politique ? Un consensus, un peu trop vague à mon goût, se forme sur l’idée que nous souhaitons une Europe fédérale. Des États-Unis d’Europe. Le projet de Yann ? Pour ma part,je reste perplexe. Une fédération, soit. Mais à combien ? A 27, à 30 ? A 40. ? Et qui sera le fédérateur, demandait déjà de Gaulle ? Sur quel projet ? Je nous trouve beaucoup trop courts sur ces questions. N’est-il pas temps de constater lucidement que rien ne marche plus dans le projet et la dynamique européenne, et d’en tirer la conclusion qu’il nous faut accepter de passer par une période de régression, au sens quasiment psychanalytique du terme ? Mais reste à savoir pour aller où, à supposer que nous puissions en sortir par le haut, pour aller de l’avant et non pour nous complaire dans l’impuissance et la régression sans fond ? Une piste ne serait-elle pas de définir, en effet, les grands traits d’une entité supra-nationale qui nous paraisse souhaitable (une République ? A la française ? A l’allemande ? autrement ? Mâtinée ? Etc. ), et d’essayer d’impulser une nouvelle dynamique européenne sur cette base. Vers une fédération, peut-être, mais sûrement pas à 27 pays, ou habitants de ces pays, qui n’en veulent pas (je sais bien que l’amour selon Lacan consiste à donner ce qu’on n’a pas à quelqu’un qui n’en veut pas, mais il ne faut quand même pas exagérer dans ce registre ! ). Ne vaudrait-il pas mieux commencer avec ceux qui le veulent vraiment ? Et pourquoi pas une fédération à deux, trois ou quatre pour commencer ? Si on veut tout faire à 27, ou même à 15, nous n’avancerons jamais d’un pouce.

Et au-delà ?

De toutes façon, il faudra que l’éventuel Manifeste convivialiste se présente comme susceptible d’avoir une portée et une pertinence mondiale, clairement supranationale en tout cas. Comment faire, c’était une autre des questions posées pour la réunion d’hier soir, pour qu’il ne soit pas et n’apparaisse pas seulement comme le fait de vieux intellos français ? En intégrant, bien sûr, tout un ensemble de thématiques apparues ailleurs.

Alfredo, dans son exposé qui terminait la soirée, en a listé quatre qui lui semblent en claire harmonie avec la perspective convivialiste :

- La définition du Bonheur national brut au Bhoutan.

- En Équateur, l’idée du Buon vivir, assez proche somme toute

- Toujours en Équateur l’inscription des Droits universels de la Naturedans la constitution

- La capacité d’un petit pays, l’Islande, à résister aux diktats de la Finance internationale et à refuser de payer la dette.

Aldfredo ne mentionne pas, volontairement, dans cette liste l’invocation bolivienne de la Terre Mère, la Pachamama, parce que, nous dit-il, l’idée n’a en réalité pas eu de suites. Tout le monde s’est déclaré d’accord avec la pertinence de cette liste. À élargir, bien entendu.

Reste à se demander, toutefois, pourquoi ces thématiques ont émergé dans de petits pays montagneux, de surcroît. Et si elles sont généralisables au-delà et comment.

ANNEXE I : CONTRIBUTION DE FRANÇOIS FOURQUET (ABSENT) : IL N'EXISTE QU'UN MONDE ET UN SEUL

La France en tant que telle n'a plus rien à dire: battue par l'Angleterre en 1815, par l'Allemagne en 1940, battue par deux peuples du tiers-monde (une sale guerre contre lesVietnamiens et les Algériens entre 1947 et 1962), devenue puissance de second rang, elle ne représente plus rien qui puisse susciter le désir ou l'admiration des peuples du monde émergent ou sous-développé. Nous n'avons pas été glorieux. Renonçons une fois pour toutes à chanter cocorico et à donner des leçons au monde.

De Gaulle en refusant la défaite et en attirant de jeunes résistants ou combattants de la France libre, a sauvé l'honneur des Français et rendu possible un nouvel élan en 1945 et en 1958.

De Gaulle a réussi à faire la paix en Algérie et à retirer la France d'Algérie dans un processus de paix où il a failli laisser sa peau et la France laisser sa démocratie.

De Gaulle a réussi une troisième victoire: faire la paix avec les Allemands après être revenu au pouvoir (traité de l'Elysée en 1963), poursuivant et achevant ainsi le geste magnifique de Jean Monnet et Robert Schuman en 1950: tendre la main aux Allemands et construire avec eux la Communauté européenne, dont est issue l'Union d'aujourd'hui.

L'Allemagne en tant que telle n'a elle non plus rien à dire au monde depuis l'expérience nazie.

La seule France dont elle puisse être fière est la France de la révolution et des Droits de l'Homme de 1789. Elle systématisait et portait à un haut degré d'incandescence la religion laïque de la démocratie et de la liberté (contre la tyrannie) que les Anglais avait déjà adoptée de manière moins spectaculaire, mais néanmoins réelle, au XVIIè siècle.

Mais la France s'est vainement épuisée à combattre l'Angleterre par des moyens peu exaltants: la dictature de Napoléon, un despote qui se fit empereur en reniant pratiquement la religion de la démocratie. Néanmoins il perdit la course à la domination du monde engagée avec l'Angleterre depuis le XVIIe siècle.

La seule valeur respectable est l'abandon du nationalisme franchouillard et prétentieux effectué il y a 50 ou 60 ans avec l'Europe. C'est une valeur que nous avons acquise avec les Allemands et que nous pratiquons avec constance malgré les aléas de la vie européenne. La prétendue domination économique de l'Allemagne est une illusion entretenue par un reste de nationalisme français; l'Allemagne n'est riche que de la richesse de l'Europe; les vrais dominants sont pour l'instant les Américains, dont nous dépendons pour notre défense militaire, et pour bien d'autres choses encore. Et les Américains eux-mêmes ne sont riches que de la richesse du monde, qu'ils captent habilement.

La paix européenne a été conclue en 1951 avec la création de la CECA quand l'Europe n'était plus depuis longtemps à la tête du monde. C'était une paix entre puissances de seconde zone déclassées et sans prestige, malgré le sursaut gaullien. Cette paix eût été glorieuse si nous l'avions conclue quand l'Europe dominait encore le monde, c'est-à-dire avant 1914. Malgré les bonnes intentions, l'Europe en a été incapable, car Français et Allemands espérions encore nous venger du triomphe de l'Angleterre en 1815: in petto et secrètement pour nous Français, ouvertement pour les Allemands.

Donc je ne vois aucun message exaltant à transmettre au reste du monde en tant que Français. En tant qu'Européens, la seule chose que nous pouvons dire au monde est: "nous avons réussi à conclure la paix, certes entre puissances secondes, mais une paix durable quand même". Le résultat est modeste, mais il existe. Certes il n'exalte pas les jeunes qui n'ont aucune idée de ce qu'était la haine des Allemands pendant la guerre et pour qui cette réconciliation est dépassée: ce qui prouve qu'elle a bien réussi. Un geste français qui serait important sur le plan des valeurs, c'est faire la paix avec les Algériens et les Maghrébins, comme François Hollande a commencé timidement à le faire quand il a évoqué le massacre des Algériens du 17 octobre 1961.

L'autocritique de la France est un préalable essentiel: l'autocritique n'est pas une «repentance» hypocrite qui nous ferait verser des larmes de crocodile, mais un geste d'ouverture qui nous permettra de tendre la main aux Algériens comme le geste de Monnet,

Schumann et De Gaulle nous avait permis de tendre la main aux Allemands. Il est vrai que la paix des banlieues ne dépend pas seulement de nous, mais de la paix entre Israéliens et Palestiniens. Dans le même esprit, le discours de Chirac au Vel d'Hiv' en 1995 a été essentiel pour réparer en partie des gestes indignes de Vichy à l'encontre des Juifs (l'étoile jaune, Drancy).

Mais, au moins, nous pouvons prendre notre part à un acte de réparation des rancœurs engendrés par cette terrible guerre de civilisations qu'a été la colonisation.

Faire la paix avec les Allemands a dépendu de nous: nous l'avons fait, et ce geste fécond a créé l'Europe. Faire la paix avec les Algériens, même 50 ans après la paix officielle d'Evian, dépend encore de nous. Ce ne serait là que réparer en partie la violence insensée de la France pendant la guerre d'Algérie. Les vives critiques adressées à Hollande par la droite pour avoir simplement reconnu le massacre du 17octobre 1961 révèlent que c'est un enjeu essentiel sur le plan des valeurs, bien qu'il paraisse mineur.

L'Europe? La paix avec les Allemands a rendu possible la naissance de l'Union européenne. C'est bien. Mais l'Europe en tant que telle n'a pas eu un passé seulement glorieux. Elle mené une guerre de civilisation contre les peuples du monde: elle a colonisé la moitié du monde, massacré, forcé au travail ou parqué les Amérindiens (Espagnols au XVIè et Américains au XIXè – car la conquête de l'Ouest ne fut rien d'autre qu'une colonisation du continent nordaméricain), mis en esclavage et colonisé les Africains, colonisé les Indiens d'Inde et les Indonésiens, humilié les Chinois en les forçant à importer de la drogue, etc. Elle a certes inventé le libéralisme, mais inventé en même temps sa face sombre, le «capitalisme» pilleur des richesses du monde, elle a réinventé l'esclavage. Elle a conquis et occupé le reste du monde avec une violence inouïe dont nous avons perdu la mémoire.Nous ne pouvions pas faire autrement, certes: même Proudhon pensait que la colonisation apportait la civilisation au futur Tiers monde. Les cadres mentaux de la connaissance politique et morale n'étaient pas ceux d'aujourd'hui. D'accord. Mais ça nous interdit à jamais en tant que Français ou en tant qu'Européens de prêcher l'évangile au reste du monde au nom de nos «valeurs». C'est une question de pudeur, de respect humain.

Nous ne pouvons prendre la parole qu'en tant que citoyens du monde. La citoyenneté mondiale implique d'abord un mouvement intérieur subjectif: considérer le monde comme une «cité globale» et les autres peuples comme nos concitoyens, nos frères en humanité. Nous disposons pour ça d'un cadre politique et mental depuis un siècle: la Société des Nations, l'ONU. L'idée n'a donc rien de révolutionnaire. Elle est née au lendemain du massacre planétaire provoqué par la guerre mondiale des nations, laquelle fut inspirée par les nationalismes du XIXè siècle, notre nationalisme. Mais la fraternité n'est pas encore vraiment admise. À voir la lenteur et les ratés des négociations sur le commerce mondial et sur le climat, nous voyons bien que les esprits ne sont pas mûrs. C'est pourtant la clé subjective du problème. Une chose est de dire: «veuillez s'il vous plaît pardonner notre violence et notre rapacité passées», et une autre d'affirmer: «vous êtes nos partenaires, nos frères dans ce monde nouveau qui se forme depuis 1918 et 1945: les nations ont fait leur temps pour lemeilleur et pour le pire, c'étaient des illusions collectives: il n'existe et il n'a jamais existé qu'un monde, et un seul, où nous avons à vivre ensemble».

Cette conviction inspirait la «Déclaration» des Droits de l'Homme et du Citoyen en 1789: la révolution française n'était pas seulement nationaliste, mais aussi mondialiste. Elle inspirait aussi l'internationalisme ouvrier du XIXè siècle, dont l'idéal a été oublié et trahi en 1914. Le rôle des intellectuels est celui des clercs autrefois, celui d'Antigone: parler au nom des lois non-écrites qui règlent la vie profonde des humains même quand elles sont niées par les pouvoirs officiels et paraissent irréalistes. Au nom de la paix et de la vie. Au nom d'un convivialisme mondial.

ANNEXE II : NOTE DE YANN MOULIER-BOUTANG

Que reste-t-il de l'État nation ?

Je vais faire un peu de provocation qui m'apparaît d'autant plus nécessaire qu'il y a urgence en général et peut-être entre nous.

 À la question que reste-t-il de l'Etat nation je répondrai deux choses :

1 Plus grand chose.

2 Et ce peu est encore trop.

3 Donc que pouvons-nous en faire? l'éteindre dans le fédéralisme européen. Une telle réponse n'est pas une position générale vraie depuis toujours et pour l'éternité. Elle ne se confond pas avec un rejet anarchiste de l'Etat ou de la Nation. Non que cette critique soit inconcevable.

Mais la position que j’assume ici concerne notre présent immédiat d'Européen. Je soutiens que nous sommes depuis un demi siècle en train d'accoucher d'une forme politique post nationale qui laissera derrière elle non seulement la nation, mais aussi le fédéralisme traditionnel même s'il y a beaucoup plus à glaner d'utile désormais dans cette expérience historique, en particulier dans son conflit féroce avec le confédéralisme. 

Pourquoi sommes-nous entrés depuis la fondation de l'Europe après la 2° guerre mondiale, dans une ère post-nationale et pas simplement transnationale comme l'annoncent mes collègues économiste dont la culture historique et juridique est souvent très limitée?

A travers plusieurs formes de limitation essentielles de la souveraineté dont la mondialisation économique n'est qu'un facteur et pas le plus important. J’ai presque envie de dire la cinquième roue du carrosse.

A) Bien de États nations sauf les plus vieux ( France, Royaume-Uni, Suède ) ont connu des variations de contours et une souveraineté limitée soit sous la forme de nations incluses dans des empires (Austro-hongrois, Ottoman) soit sous la forme de protectorat soviétique (le caractère limité de la souveraineté des États membres étai un des piliers du Pacte de Varsovie entre Etats « frères »).

B) certains États se sont privés du droit régalien par excellence, celui de déclarer la guerre offensive (Norvège, Finlande, Suisse au nom de la neutralité revendiquée) soit pour expier l'aventure nazie ou militariste. Ainsi l'Allemagne et le Japon ont-ils inscrit dans leur constitution une auto limitation de l'armée à une force d'autodéfense. Rappelons aussi que l'Allemagne et je Japon ont été privés du droit de veto puisqu'ils ne sont n'est pas membres permanents du Conseil de sécurité.

C) Toujours dans le domaine du droit des gens, (relations internationales) les pays européens et le Japon ont accepté la création de la Cour Pénale Internationale qui donne la possibilité à un tribunal international de juger de leurs ressortissants fussent-ils des militaires ou des membres de gouvernement. La Russie, la Chine mais aussi les États-Unis se sont toujours opposés à cet abandon du deuxième principe cardinal de la souveraine régalienne de l'Etat national : être juge en dernier ressort. La CPI n'est pas la Cour international de justice de la Haye qui arbitre les conflits inter étatiques mais une justice supranationale qui rend le droit à une échelle supérieure aux États et sans recours possible.

D) À ces limitations de la souveraineté sont venues s'ajouter d'autres qui ont marqué toutes les étapes de la construction européenne : la souveraineté économique (libre circulation des biens et services et interdiction de frapper de droits de douane des pays membres, mais aussi réduction a une peau de chagrin des marges de manœuvre pour une politique industrielle "nationale") la souveraineté monétaire pour les pays de la zone Euro, et dorénavant de la souveraineté budgétaire et financière (union bancaire), last but not least la Cour Européenne de Luxembourg véritable équivalent de la Cour Suprême Américaine depuis l’arrêt Costa de 1965.

E) À ces formes d'abandon consenti de parties de plus en plus grandes de la souveraineté, la mondialisation avec des firmes transnationales et ce que Negri et Hardt appellent l'Empire déterritorialisé sont venus vider de sa substance les restes de souveraineté nationale. 

Deux remarques à cet égard :

1 la révolution française en bonne héritière de la monarchie absolue, a promu une souveraineté absolue largement opposée à la souveraineté limitée de la révolution américaine (voir évidemment Hannah Arendt ). Ce qui explique que la tradition française puis européenne continentale avec Napoléon, ait eu tant de mal avec plusieurs limitations de la souveraineté comme celle opérée avec l'église catholique (Concile de Latran), puis avec toutes les églises détentrices de l'auctoritas, puis avec la justice ( la théorie de la séparation des pouvoirs), puis avec les citoyens limitant l'Etat dans la tradition libertarienne, puis avec le marché. Les anglo-saxons n'éprouvent pas de répugnance instinctive ou raisonnée à limiter le pouvoir de l'Etat par l'ordre catalectique du marché. Au contraire. Sans doute est-ce lié à la naissance diffcile de la Réforme dans des Etats catholiques.

1 Ce principe de la souveraineté illimitée à la française est évidemment un principe idéologique. L'Etat nation s'est avéré très soluble dans le marché et le capitalisme concentré en assurant de symbioses sociologiques au sein de la classe dirigeante économique et les élites républicaines, les secondes étant l'équivalent moderne de la noblesse de robe, les premières l'aristocratie économique équivalent e de la noblesse de cour.

F) Comme si tout ceci ne suffisait pas á l'affaiblissement considérable de la substance, du périmètre et de l’intensité de la souveraineté sur un territoire, on n'a cessé d’observer depuis 1945 des problèmes de minorités nationales (parfois mais pas toujours ancrées dans des problèmes de minorités ethnico-religieuse) mais de peuples sans État ( les oubliés dans la distribution des prix des nationalités au cours du XIX° siècle), tandis que des ensembles composés pour des motifs géostratégiques (Belgique au XIX°, Yougoslavie au XX° siècles ) sedélitaient rapidement et que les plus vieilles nations d'Europe sont largement en but à un éclatement pur et simple. Le Royaume-Uni dont la décomposition commence en 1923 avec l'indépendance de l'Irlande, se poursuit avec la dévolution sous Thatcher pour aller vers la réunification irlandaise et surtout l'indépendance de l'Ecosse.

L'Espagne est déchirée par le séparatisme basque, mais surtout par la menace de l'indépendance de la Catalogne qui rata de très peu sa constitution en État à cheval sur les Pyrénées, l'Italie connait la Ligue du Nord et son rêve de Padanie tandis que la Bavière elle aussi entend diminuer sa solidarité avec l'Allemagne du Nord et de l'Est et pas seulement avec la Grèce et les PIGS.

Pour peu que l'on regarde l'Europe dans le long terme on ne peut être que frappé par la puissance d’un mouvement tectonique qui chemine que la droite, la gauche, le centre et même les extrêmes soient au pouvoir : la montée des Régions de taille des Landers allemands ou des États baltiques, des ex composantes de la Yougoslavie et l'Union Européenne et de l'autre côté le déclin du niveau départemental et national pour de vieilles structures comme la France

Beaucoup de gens prennent cette floraison de petits États comme la preuve de la pérennité de l'idée de Nation et des institutions qui la décline mais c'est une erreur car ces États ne se comprennent que comme les corrélats locaux d'un ordre européen émergent. Ils ne sont viables que solubles dans la richesse globale européenne. 

Il y eut dans l'histoire, une très longue phase qui commence avec l'abbé Suger de St. Denis et qui ébauche la montée de la monarchie et des cités face aux terres de féodalité jusqu'a son triomphe dans l'appareil centralisé de la France de Louis XIV et l'unification des Provinces et Généralités par la République dans la Grande Nation.

La constitution de l'administration de l'Etat moderne sur le modèle de l'administration de la Papauté (réforme d'Innocent III) précède l'unification des peuples ou nations. La nation au singulier suit les nations. L'Etat suit les États. Ce processus demeure tant que l'auctoritas a la préséance sur la potestas et puise ses racines dans la transcendance religieuse.

Avec l'avènement de la démocratie moderne (dans la Rome antique pré impériale et post monarchique on parlait de République) l'auctoritas devient immanente dans le Peuple et son Sénat (sa représentation) et la légitimité du pouvoir est arrimée à une autorité auto référentielle.

Ce qui complique évidemment le schéma car le problème des commencements (la fondation d'un pouvoir nouveau et son caractères durable et de l’unification des principautés, question classique depuis Machiavel qui abandonne la typologie des pouvoirs et leur corruption) est décliné sous la question : d'où une forme politique nouvelle tire-t-elle sa légitimité ou auctoritas ?

La réponse répètée ad nauseam c'est qu'il faut un Peuple européen constitué pour qu'il y ait une démocratie européenne. Pour certains c'est seulement au terme d'un processus fort lent d'homogénéisation des peuples qu'il y aura quelque chose comme UN peuple européen qui pourra alors se doter d'institutions légitimes et démocratiques. Il n’y a pas de mal à reconnaître sous ce schème de pensée l’extrapolation de l’exemple historique français de peuples diversifiés unifiés sous la main de fer de la monarchie linguistiquement et religieusement (résorption de l’anomalie protestante en deux siècles) pour aboutir à la Nation une et indivisible de l’An II chérie par Chevènement.

Pour d'autres, les eurosceptiques et les souverainistes qu'ils veuillent arrêter un processus rampant de fédéralisme ou carrément revenir en arrière et dénationaliser des panscommunautaires, ce processus n'arrivera jamais, l'Europe allant vers la scissiparité commeen à attesté l'éclatement de l'URS et celui de la Yougoslavie.

L'objection principale tient a l'idée très répandue en France que toute nation est homogène ethniquement, linguistiquement, culturellement (et assez largement religieusement et socialement) et qu’elle ne saurait reconnaître dans l’espace public et politique que des citoyens « abstraits » et surtout pas des communautés ethniques, religieuses.

Cette idée paraît de bon sens, mais elle n'est pas vérifiée par l'histoire. Les ensembles politiques se forment à des degrés de granularité nouveaux de façon souvent très rapide et largement proleptique. Le discours centralisé monarchiste ou jacobin républicain comme celui de la III° République est d'autant plus unificateur qu'il s'applique sur un terrain très hétérogène. La France d'une seule langue, d'une seul peuple est une fiction pendant tout le XIX°. Il faut les chemins de fer (Fernad Braudel), la boucherie de 14-18 pour aboutir un cet ensemble (largement mythique comme le montre la caricature des manuels d’histoire dans les colonies) qui recommence à diverger à partir des années 1970.

Demander où est le Peuple européen ou affirmer qu'il n'existe pas ressemble furieusement aux loyalistes anglais qui accueillirent avec le plus grand scepticisme le mouvement pour l'indépendance des colons américains dont la diversités dans les 13 Provinces ( social, linguistique, institutionnelle) était extrêmement forte.

Le constat est donc simple :

1. les Etats Nations sont mortels et ne constituent pas l’horizon indépassable de la politique.

2. Un processus d’unification politique européenne est à l’œuvre en profondeur. Regardons deux exemples à l’époque moderne du modèle d’unification de composantes fortement hétérogènes comme les 13 Provinces anglaises d’Amérique et l’unification de l’Allemagne en un Etat centralisé et puissance, porté par la Prusse face au modèle beaucoup plus flou porté par l’Autriche, sur lequel avait parié bêtement la France (ce qu’elle a payé durement en 1870-71 et sa suite).

Il nous enseigne deux choses :

a) que le fédéralisme a toujours sur le long terme la peau du confédéralisme qui est voué lui à l’explosion et à la guerre.

b) Que la voie autoritaire et celle de la puissance sont de puissants attracteurs face aux difficultés rencontrées par les processus d’unification.

3. La question devient alors :

A) comment accélérer la fédéralisation de l’Europe ?

B) Comment éviter la voie autoritaire et la voie de la course à la puissance ?

4. La réponse à la première question est : ouvrir une réforme et refonte totale de la construction européenne, remédiant à sa fragilité et a son incohérence de telle sorte que le fédéralisme rampant soit assumé en plein jour avec ses corrélats nécessaires : 

une véritable Constitution élaborée par une Assemblée constituante élue au suffrage universel selon les mêmes modalités et le même jour dans l’Union ; la suppression du Conseil Européen , la transformation de la Commission en organe du législatif responsable devant le Parlement ; la fin du droit de veto des Etats ; ( la proposition J.

Fischer d’avril 2000 à l’Université Humboldt de Berlin est une bonne base car elle transforme les chambres « nationales » en Sénat ) la montée progressive du budgetfédéral alimenté par des ressources propres, avec fin tendancielle de la contribution des Etats, compensée par une baisse de la fiscalité des Etats membres.

5. Comment trouver l’occasion d’une telle révolution politique ? Dans le conflit qui se profile précisément sur le budget européen croupion voté par le Conseil et que refuse le Parlement. Car il s’agit de produire conjointement davantage de fédéralisme et d’intérêt commun et davantage de démocratie. Et nous rencontrons ici la deuxième question : comment mettre l’a fédéralisation de l’Europe sur une trajectoire démocratique et bottom up ?

6. La longueur de la crise et la difficulté de l’unification entravée par les confédéralistes peut donner ses chances à une unification à la Bismark. D’autant que l’urgence écologique amène certains secteurs écologistes de droite à penser que les décisions très impopulaires de la transition énergétique (1° du PIB à investir jusqu’en 2030 selon le Rapport Stern de 2006 alors que l’Europe n’arrive pas à faire 2,5 % de croissance) doivent être largement imposées par une sorte de despotisme éclairé vert, comme le ralliement au nucléaire d’écologistes au nom de l’urgence de la lutte contre l’effet de serre.

7. Premièrement on ne peut pas rester aux effets rhétoriques sur l’Europe impuissance développée brillamment par Etienne Balibar qui déplore l’absence de peuple européen (voir plus haut). Car ce serait laisser précisément le champ libre aux néo autoritaires Bismarkiens de la realpolitik (en particulier dans les relations internationales avec la Russie, avec la Turquie. Autre terrain symptomatique, le refus d’un interventionnisme actif fédéral en matière de nouvel Etat Providence contracté avec les mouvements sociaux conduirait à des octrois bismarkiens. Idem pour la politique de défense, la politique industrielle, la politique sociale, fiscale. Il ne faut pas se raconter d’histoire, la construction de la nouveauté politique que représente l’Union européenne, encore largement un OVNI, est en train de se doter lentement de tous les attributs de la puissance étatique et ne pas se placer sur ce terrain (en rester au clocher des Etats Nation) c’est cultiver l’incapacité de contrôler ce nouveau gros animal.

8. Autrement une politique de l’Europe qui se tienne à l’écart de la puissance des Empires ou des Nations colonialistes européennes, doit rendre puissantes, effectives les formes du post-national concernant la définition de l’Européen comme né en Europe et pas seulement appartenant à une Nation-Etat-région de l’Union. Ce n’est qu’un exemple car l’ensemble des droit régaliens doivent être réexaminés et démocratisés. Autre exemple, à l’instar de ce qui s’est fait en Finlande le droit d’accès à l’Internet l’équivalent de la liberté de circuler (première liberté inscrite dans le Bill of Rights anglais de 1689) doit être inscrit dans la constitution (actuellement la Charte des droits (ex déclaration de Turin) qui figure en préambule au Traité de Lisbonne avec effectivité juridique (un jugement rendu dans l’Union peut y faire appel à la différence de purs principes moraux.

9. A la question de quelle culture européenne qui sous-entend comme celle sur le peuple européen que nous sommes loin du compte, je voudrais répondre de la façon suivante. La question de la culture européenne ne se tranche pas de façon confédérale ou inter-nationale (entendons des nations qui composent l’Union) mais de façonfédérale transnationale. Le transculturalisme défini par Fernando Ortiz

8  qu’il oppose à l’acculturation de Malinowski ( Les argonautes du Pacifique,1942). Autrement dit il y a un processus d’hybridation interactive systémique très différente du cadre structuraliste Boudieusien où la dominant et dominés sont des rôles fixés. Cela implique un abandon du fixisme identitariste qui ronge le souverainisme comme la Chouette de Minerve, quand cette identité n’est plus qu’un leurre vide. La culture européenne existe, par delà les langues, les trajectoires nationales, il suffit de voir les villes d’un côté (approche esthétique) ou les comportements (approche anglosaxonne du concept de « culture ». La question est de traduire cette culture dans de nouvelles institutions, université, fab lab, tiers lieux. Si l’on veut sortir de l’optique muséale, patrimoniale des langues. Que la langue de travail soit aujourd’hui l’anglais, comme un temps le latin fut la langue de l’Europe médiévale, l’Italien celle de la musique, le Français celle de la diplomatie etc. quel problème ? La question est que l’Européen illettré est celui qui ne maitrise que deux langues !!!

10.Voilà quelques idées autour desquelles je vous invite à discuter pour donner à notre convivialisme un tour résolument européen, fédéraliste et démocrate.

 Alors ? Que faire de ce qui reste de l’Etat Nation ?

TRÈS BREF COMPTE RENDU DE LA SÉANCE DU 11 AVRIL 2013

Chers amis

8 L’acculturation est définie comme suit : Definition of acculturation (2)

The process of acquiring a “second culture,” usually as an effect of sustained and imbalanced contact between two societies. Members of the “weaker” society are compelled to adopt aspects of the dominant society.

www.routledge.com/textbooks/9780415485395/glossary.asp

Example : the “voodoo” worship of African slaves who were converted to the Christian faith and forbidden to pray their Gods. They introduced them among the cult of Saints : they were the Orixas among which Xango and Oxalà are well known and still praised in Brasil http://www.capoeira-school.be/f/orixas.php#inl

Fernando Ortiz , The Cuban Counterpoint of the Tabacco and the Sugar, La Havane 1939 et plus tard dans un texte de 1942 http://www.historyofcuba.com/history/race/Ortiz-2.htm s’oppose discrètement à Malinowski qui avait lu son livre avant d’écrire le sien en recusant le coté misérabiliste de l’acculturation souvent forgé dans le contexte monoculturel des pauvres et de leur “culture” devant intérioriser les valeurs des classes dominantes.

“Acculturation is used to describe the process of transition from one culture to another, and its manifold social repercussions. But transculturation is a more fitting term.I have chosen the word transculturation to express the highly varied phenomena that have come about in Cuba as a result of the extremely complex transmutations of culture that have taken place here, and without a knowledge of which it is impossible to understand the evolution of the Cuban folk, either in the economic or in the institutional, legal, ethical, religious,artistic, linguistic, psychological, sexual, or other aspects of its life. (pp 87-98 of 1995 reprint of the English translation)

Fernando Ortíz

on the Phases of Transculturation

(From a speech made at Club Atenas in Havana, December 12 1942)Il fallait donc hier soir décider si nous essayions de sortir le texte le plus rapidement possible ou si nous jugions préférable de nous donner un peu de marge pour l’améliorer substantiellement et pour rechercher d’autres signatures (notamment pour rééquilibrer la part féminine). Cette discussion allait occuper la première moitié de la réunion, la seconde devant porter sur le fond même du texte : y avait-il des affirmations très contestables, des oublis trop lourds et dommageables ? Comme toujours il a été difficile de séparer les deux moments de l’ordre du jour puisque la réponse au deuxième point commandait largement la réponse à la question de départ.

Il est très difficile de résumer le débat sur le fond, puisque de multiples critiques et suggestions ont été faites. La plupart seront communiquées par mail par leurs auteurs. Je note quand même les points généraux suivants :

Gus Massiah regrette qu’on ne voit que des individus et pas de peuples, et que donc la question du nouvel universalisme soit mal posée. Il veut que soit précisé le fait que la lutte contre l’hubris n’implique pas l’aspiration à une société figée et qui refuse tout risque. Il regrette enfin qu’il n’y ait dans le texte rien de clair et d’explicite sur les droits à faire reconnaître, indissociables dans les forums sociaux de la demande de dignité.

François Flahault a dit redouter qu’on ne semble aller en direction d’une revendication de la multiplication des droits subjectifs, contradictoire avec l’inspiration du manifeste. Faut-il équilibrer par des devoirs ? Par des responsabilités, plutôt, répond Gus. Vaste débat qu’il faudra poursuivre et approfondir. Mais il faudra en effet tenter d’intégrer des considérants sur ce point.

François Fourquet trouve le texte très critiquable et considère qu’il faudrait se donner beaucoup plus de temps pour faire quelque chose de présentable. Par exemple sur le modèle de la déclaration des droits de l’homme ? En tout état de cause la partie sur la critique de l’homo œconomicus lui semble très redondante et répétitive, et la critique de la science économique beaucoup trop légère et contestable. Sans doute, en effet, faudra-t-il à la fois abréger et compléter cette partie.

Philippe Frémaux trouve l’énoncé des bienfaits possibles de la mondialisation un peu ridicule (oui, il faut améliorer ce passage). Il critique une référence trop sommaire à l’économie sociale et juge non recevable l’affirmation que nous assistons à une explosion des inégalités. Ce point est essentiel, car cette explosion est à mon sens totalement évidente et infiniment problématique. C’est elle qui illustre le plus concrètement l’hubris contemporain. Mais de quoi parle-ton ? En effet, il n’y en a pas si on compare le premier décile au dernier. Cette explosion ne se manifeste dans toute son évidence que lorsqu’on s’intéresse aux 1% supérieurs, et plus précisément au 1/1OOO. Où l’on retrouve l’oligarchie dénoncée par Thomas Coutrot ou Hervé Kempf (et Piketty ou Landais). D’où, d’ailleurs, la justification de la proposition d’un revenu maximum (malgré tous les problèmes pratiques qu’elle soulève comme le dit Jean-Baptiste. Mais, pour l’instant, nous en sommes à l’énoncé des principes). 

Reste, ajoute Philippe, que l’hubris n’est pas seulement, voire principalement, économique, et qu’elle concerne autant ou plus la volonté de pouvoir. Et notamment au sein de l’économie sociale…Il faudra en effet spécifier ce point.

Jean-Baptiste de Foucauld suggère de ne pas commencer par l’énoncé des catastrophes possibles, trop décourageant selon lui (c’est le point de vue d’autres participants). Il faut expliquer que faute de croissance nous allons être amenés à procéder à de fortes redistributions dans une société individualiste qui n’en veut pas. Il convient, par ailleurs, de distinguer entre une bonne et une mauvaise hubris, car sans une part d’hubris rien ne se fait.Il serait évidemment favorable à développer la cinquième question (le rapport à l’invisible et à la surnature).

Dominique Méda aurait souhaité rajouter une page de préconisations politiques concrètes. Mais le sentiment général a été qu’en effet ce texte était faible de ce point de vue là mais que cette faiblesse est aussi sa force parce qu’il laisse la possibilité aux différents pays ou aux différents groupes de se l’approprier selon leurs enjeux propres. Comme l’expriment

Christophe Fourel et Pierre-Olivier Monteil, le manifeste propose plus un changement radical des valeurs qu’une alternative politique concrète. La décision : accélérer Alors accélérer ou pas ? C’était la question de départ dont il est clair qu’elle n’a de sens que mise en rapport avec la question de savoir ce que nous voulons faire de ce texte, comment le rendre appropriable par d’autres que quelques intellos. Par les larges masses, comme on disait jadis. Gus explique d’entrée de jeu, et il reçoit l’assentiment général, qu’il faut prévoir très rapidement des traductions dans de nombreuses langues en faisant en sorte qu’il y a ait à chaque fois une introduction et donc une appropriation spécifique. Par ailleurs, pour que ça vive et diffuse il faut créer un blog. Tout cela est exact, mais avant de s’y lancer, a-t-il été dit, il faut commencer par exister.

Au bout du compte, le sentiment dominant (exprimé par 8 votes pour, 2 non et 4 abstentions) a été que dans la conjoncture actuelle de délabrement moral et politique il y aurait sans doute une bonne réception d’un texte de cette nature et qu’il ne fallait donc pas tarder. Une discussion s’est engagée sur le pseudonyme collectif que nous pourrions adopter.

Christophe a proposé TINA  (There is a new alternative). Ca me plaisait bien mais ça a été jugé trop deuxième degré et ambigu. Finalement, très rapidement (il était tard…) sur proposition de Dominique Méda, c’est tout simplement « Les convivialistes » qui a été retenu.

 […]

Amicalement à tous

Alain

 

1 Barbara Cassin nous ayant préalablement expliqué pourquoi il faut écrire hubris plutôt qu’ubris ou hybris.

2 Il pourrait être judicieux de prévoir cette discussion lors de la prochaine séance consacrée au programme de transition. - Il n’y a plus d’extériorité puisque la nature est devenue elle-même une composante de l’économie.

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