Outre mes engagements directs au sein de France Active et du labo de l’ESS, je suis impliqué dans plusieurs groupements : je participe à titre personnel au groupe des « convivialistes » animé par Alain Caillé et au titre du labo au « Pouvoir citoyen » et à la « Transition citoyenne » ; j’adhère aussi pleinement au « Pacte Civique » sans suivre son action d’aussi près.
Ces démarches (qui d’ailleurs s’emboitent, le Pacte dans le P.C. et le P.C. dans la T.C. plusieurs convivialistes dans l’un et l’autre) ont pour points communs de faire de l’action civique, du respect de l’autre, de la recherche du « bien vivre » ensemble et avec la nature l’engagement clé de notre vie et le gage de notre avenir.
Les riches discussions autour des propositions d’Alain Caillé montrent plus qu’un intérêt, un élan des universitaires et des chercheurs qui composent en majorité ce groupe pour cet engagement. Leur réflexion collective est certes en lien avec les initiatives citoyennes mais de nature plus conceptuelle que celle de P.C. et de T.C..
Ces deux mouvements fonctionnent sous forme de « collectifs » plutôt que d’organisations dont elles n’ont ni les moyens ni « l’affectio » institutionnelle ; ils ont en revanche une forte motivation civique ; ils visent à mettre en lumière, à rassembler, à valoriser des initiatives citoyennes pour élever leur impact sur la société, pour résister aux effets destructeurs d’une économie mondialisée et financiarisée, pour tracer le chemin d’un renouveau.
Il semble néanmoins que P.C. se situe plus nettement dans l’action publique (sociale, économique, politique), qu’il vise plus fortement la nature des relations des forces civiques avec leurs partenaires ou opposants.
T.C. se concentre sur l’existence, la multiplication, la dynamique des initiatives citoyennes et sur la preuve ontologique que l’on peut substituer progressivement à une économie asservie à la compétitivité pour le profit d’autres façons de produire, de consommer et plus de démocratie et de proximité dans les modes de gouvernance.
Mais de fait ces deux orientations ne sont pas clivantes ; elles traversent les deux collectifs ; il existe chez chacun d’eux un bouillonnement d’initiatives qui dans leur diversité et par leur regroupement résistent aux dysfonctionnements, aux injustices, aux atteintes écologiques, répondent au désarroi des populations, à l’épuisement du modèle économique.
Ces deux collectifs, la force qu’ils tirent d’innombrables initiatives de terrain, leur convergence, les appuis qu’i ls rencontrent sont des facteurs hautement encourageants. Ils ne doivent pas cacher des difficultés d’organisation et certains désaccords qui certes peuvent et doivent être dépassés de façon constructive mais qui restent souvent source de confusion et de paralysie.
Les premières difficultés sont celles du périmètre de ces deux collectifs. Bien qu’il englobe des activités très diverses, il laisse de coté, par faute d'information ou manque de contact, nombre d’initiatives, notamment dans l’économie sociale, les réseaux d’insertion, dans la sphère caritative ou humanitaire qui sont absentes et qui pourtant se fondent sur l’action civique.
Elargir le périmètre est nécessaire mais implique un accompagnement, une ingéniérie qui font souvent défaut ; les collectifs manquent aussi d’aide financière externe et de cotisation de ses membres eux-mêmes en difficulté et peu enclin à la mutualisation.
L’action commune est d’autre part perturbée par des désaccords de portée politique :
- La contestation des partis politiques, des institutions insuffisamment démocratiques va de critiques ou de dénonciations à des rejets radicaux, donc à des regards très différents vis à vis des prochaines échéances électorales. La nature, la portée de ces regards induisent des oppositions sur les actions à mener, sur les évènements à préparer, tel que la journée nationale de la transition fixée au 24 septembre.
- Ce désaccord en rejoint un autre : si chacun insiste sur la valeur des actions de terrain et rejette l’absence de décisions partagées, les injonctions hiérarchiques, la méfiance pour la tête ou le centre connaît des degrés divers ; elle est parfois paralysante pour la mise en oeuvre d’un projet.
Ces désaccords traduisent en fait la complexité du contexte, laquelle est éclairée si l’on rassemble des données précises sur les initiatives citoyennes, sur leur portée, leur valeur ajoutée ; ces données permettent de les évaluer, de les prioriser, de dégager leur capacité de développement , donc d’établir un récit prospectif et des scénarios sur leurs effets de transformation ; effets de transition ou de rupture sur des territoires ou sur des secteurs d’activité(transition énergétique, numérique, culturelle, sociale etc.).
Pour réussir de tels récits, les rendre pleinement convaincants, mobilisateurs, le mixage des acteurs de terrain et de celles et ceux qui cherchent à analyser, à conceptualiser leurs initiatives est indispensable. Ils sont entrain de se réaliser ; les uns nourrissent les autres.
Un Récit national et européen propre à convaincre que les initiatives citoyennes portent, préparent, amorcent un renouveau de la société devra prendre forme progressivement. Je doute qu’il soit abouti pour les prochaines échéances électorales. En revanche, essayons de présenter des récits, des scenarios tirés de projets citoyens innovants propres à renouveler et développer des territoires et des secteurs d’activités ; et dénonçons tout ce qui, dans les politiques publiques freine l’élan des citoyens vers une autre économie.
Je préconise donc une forte mobilisation territoriale pour un feu d’artifice d’initiatives innovantes le 24 septembre. Simultanément, l’analyse, l’évaluation, l’approfondissement de ces initiatives devrait conduire à l’automne à quelques propositions phares lancées à l’occasion d’un grand événement national au démarrage des joutes électorales.
Claude Alphandéry, le 24 mars