La Clinique Sociale de Psychanalyse est un projet de l’Institut d’Etudes de la Complexité (IEC). Ayant 15 ans d’existence, la clinique est composée aujourd’hui de 32 thérapeutes, 1 stagiaire, 7 superviseurs, 3 effectifs et 4 associés. Le projet est mené de manière autogérée par les membres, visant à constituer le sens de communauté en évitant les hiérarchies et les cristallisations des fonctions administratives, tout en renforçant les espaces collectifs de discussion et décision.
Tous les travaux menés dans la clinique sont dans la logique du bénévolat. Toutes les tâches de gestion de l’espace physique, des tâches les plus simples aux plus complexes, sont exercées par les thérapeutes de manière alternée.
Un fort sens anti-utilitaire conduit la gestion économique de la Clinique. Les ressources financières recueillis sont versées aux coûts liés à la maintenance de l’espace. Afin de préserver le sens de communauté, il a été institué une caisse commune pour le revenu issu des consultations payantes. La caisse commune est un dispositif à partir duquel il est calculé, par mois, la valeur de l’heure travaillée. La caisse commune, ainsi que le partage des tâches les plus triviales, ont été des solutions créées par le groupe. Ces solutions ont émergé à partir d’expériences vécues ensemble, des expériences qui ont révélé nos sentiments et besoins, trop humains, liés à notre recherche de la gratification - qu’il s’agisse de la gratification financière ou le besoin de reconnaissance. Nous avons partagé, dès lors, la question récurrente : qui va accueillir ceux qui ne peuvent rien payer pour les consultations? Qui va supporter la charge de se dédier aux dépossédés ?
Les crises vécues au long des 15 ans de l’Institut nous ont indiqué des chemins de constitution d’un ethos groupal qui amène, d’une manière spontanée et récursive, de la reconnaissance et la croissance personnelles à ceux qui s’investissent le plus dans le collectif. A travers la convivialité groupale chaque membre comprend que la croissance personnelle de chacun est intrinsèquement liée à l’engagement spontané d’une partie de soi-même au service de l’autre. Le bénéfice de l’enrichissement humain, pour chacun de nous et pour nos patients est inestimable.
La Clinique Sociale de Psychanalyse reçoit des patients qui viennent au travers de diverses institutions telles que : les cliniques sociales de Sociétés de Psychanalyse de la ville de Rio de Janeiro et Niteroi ; les services de Psychologie Appliquée des universités privées ou publiques ; et aussi des enfants et des adultes venant des lycées de Rio de Janeiro et des lycées des villes autour de Rio, ou ceux venant de postes de santé ou de services de psychiatrie de l’Etat de Rio de Janeiro.
Actuellement, près de 100 patients bénéficient de consultations psychologiques dans la clinique de l’Institut. Il s’agit des personnes présentant des plaintes et des symptômes les plus variés, tels que : la dépression, le stress, la solitude, le trouble panique, les troubles de la relation, des difficultés d’apprentissage à l’école, l'hyperactivité, l’agressivité, des difficultés liées aux processus du deuil. D’ailleurs, plusieurs d’entre eux ont subi des violences diverses provoquées par des milices et/ou par le trafic de drogues dans les petites et les grandes favelas de Rio de Janeiro.
A plusieurs moments, il y a des impasses liées au développement du projet de la clinique sociale, qui la mettent en situation de risque. La clinique se voit en risque de survie en ce qui concerne le niveau matériel de sa survie, mais surtout au niveau de ce qui nourrit son esprit – qui peut, donc, comme tout ce qui vit, se dégénérer. Tout au long de 15 ans de travail, le nombre de thérapeutes engagés a quintuplé et il y a eu une grande amélioration de la qualité de leurs formations professionnelles. Pour autant, il s’agit d’un petit projet.
Face à la logique productiviste/quantitativiste, nous dirions avec Edgar Morin: « il vaut mieux faire mieux et non pas plus, il vaut mieux même faire moins, mais mieux. ». De ce fait, jusqu’à présent notre clinique sociale a privilégié la qualité des consultations et un nombre plus réduit de patients s’opposant ainsi à la logique de la productivité qui favorise l’idéologie de la quantité au détriment de la qualité. Cependant, nous sommes clairement d’accord avec Morin quand il affirme : « lorsqu’il s’agit de dépossédés, le plus et le mieux doivent aller ensemble ».
L’un de nos défis majeurs concerne la question de l’expansion de nos activités. Comment étendre nos activités en gardant de la consistance? Comment l’IEC peut élargir sans perdre de vue les perspectives de la pensée du sud qui guident le travail?
Nous revenons aux problèmes posés par le développement, du micro-social au macro-planétaire, nous n’y échappons pas. Il n’y a pas des chemins prédéfinis, il n’y a pas de formule à appliquer, mais seulement des processus à accompagner soigneusement, des alliances à renouveler entre les membres ainsi qu’entre les institutions partenaires.
Tout ce qui existe est, simplement, l’apprentissage : il faut ne pas se laisser engloutir par les urgences qui oblitèrent le discernement, mas ne pas se conformer aux obstacles non plus. Enfin et surtout, il faut ne pas perdre la joie, fêter autant que possible, célébrer.
Il y a eu un événement récent qui mérite d’être signalé : nous discutions collectivement au sujet des possibilités de captation de ressources pour le projet. Dans le but de motiver les thérapeutes, j’ai suggéré d’établir un pourcentage qui serait reversé à ceux qui obtiendraient des ressources pour amplifier la clinique sociale. La proposition a été bien reçue par quelques collègues et considérée, sur le principe, comme une proposition juste, mais une jeune thérapeute a posé la question : “Pourquoi le travail de captation de ressources doit être rémunéré ? Ce travail serait-il plus digne de rémunération que les autres activités menées à l'IEC ? Les tâches de gestion de la maison, l’achat de produits tels que le café, de l’eau, les produits de nettoyage ; la gestion de la comptabilité domestique, la prise en charge des nouveaux patients, la comptabilité mensuelle de notre caisse commune, parmi d’autres tâches quotidiennes, seraient-elles moins importantes que la captation de ressources ?
Nous avons tous été concernés par ce questionnement et le groupe a décidé de procéder de la façon suivante : au cas où la personne qui capte les ressources n’appartient pas à la communauté de l’IEC, elle sera payée pour son travail de captation. Cependant, toute ressource obtenue par des personnes engagées dans le processus de la clinique sociale sera versée à la gestion de la maison et à la caisse commune. La finalité serait d’augmenter la valeur de l’heure travaillée qui correspond actuellement à R$7,00 (la valeur minimale établie par le CRP – Conseil Régionale de Psychologie – pour l’heure travaillé par le psychologue est de R$80,00).
La Clinique Sociale de Psychanalyse de l’IEC est la seule clinique de Rio de Janeiro offrant des consultations psychologiques aux plus pauvres sans établir un prix minimum ni un temps prédéterminé de conclusion pour leur traitement. Cette caractéristique singulière a été exposée dans le Journal A Folha de São Paulo, dans une publication datée du 04 août 2010. Pour quelques patients, même le coût du transport public utilisé pour venir à la clinique doit être subventionné par des institutions partenaires.
La Clinique Sociale de l’IEC n’a jamais reçu des financements d’un organisme public ou privé. Sa durabilité est due à la contribution mensuelle de R$120,00 versée par les membres de l’IEC et le montant accumulé par ce que donnent les patients qui sont en mesure de payer leur traitement. Le coût annuel des frais d’infrastructure, calculé en 2013, a été de R$53.154,00.
Des projets en cours ou en phase d’implantation pour 2016, avec les partenariats suivants:
1) L’Abri Ayrton Senna (début en septembre 2013) : L’intervention précoce auprès des jeunes adolescents enceintes et ses bébés.
2) L’Institut Benjamin Constant (2016): L’intervention précoce auprès des bébés aveugles et ses parents.
3) Le Musée de la Personne, São Paulo (2016): Le registre personnel des histoires de vie des personnes âgés qui vivent dans l’asile.
4) La préparation d’un évènement (2016) ayant pour but d’identifier et de rassembler les initiatives sociales d’inspiration commune à ces institutions. En tant que points isolés, ces institutions sont fragiles. Lorsqu’elles peuvent être reliées entre elles, cette reliaison rend possible l’émergence d’une qualité relationnelle qui les caractérisent en tant qu’un organisme plus grand. Un organisme plus fort qui peut se révéler et se constituer en tant qu’espace de résistance face aux menaces constantes de réduction et de dégradation de la pluralité des modes d’existence de la vie dans la planète.
Un bref compte-rendu d’une expérience novatrice illustrant la pensée du Sud : la Clinique Sociale de Psychanalyse de l’Institut d’Etudes de la Complexité (IEC)
Tereza Mendonça Estarque - Institut d’Études de la Complexité.