mardi 17 décembre 2019

Daniel pratique la boulangerie à sa manière : levain naturel, blés anciens, eau de pluie et caisse gérée par les clients. Pendant que lèvent ses pâtons, le Breton s’adonne à ses autres passions : jardin, musique, astrologie humaniste, écriture…

Le boulanger nous montre son petit livret. Couverture orange, impression ancienne, un objet que l’on a envie de garder précieusement. Il l’a écrit il y a quelques années, après avoir réinventé son métier. Car Daniel est certes boulanger, un rêve qu’il a depuis qu’il est petit garçon, mais il pratique son métier à sa façon. Pas à celle des boulangeries industrielles qu’il a fréquentées et qu’il a préféré fuir, le « goulag de la boulange » comme il dit.

"Une vie d'expérience, une profession, elle devrait être transmise en permanence. Autant qu'elle avance dans son expérience, elle a quelque chose à apprendre aux autres". Pour cette raison, Daniel a également créé, avec d'autres boulangers de la région, une école où les apprentis artisans découvrent différentes manières de travailler.
Daniel a créé, avec d’autres boulangers de la région, une école où les apprentis artisans découvrent différentes manières de travailler.
« Une vie d’expérience, une profession, elle devrait être transmise en permanence. Autant qu’elle avance dans son expérience, elle a quelque chose à apprendre aux autres ».

Le pain, il ne le fabrique que deux jours dans la semaine dans son petit village breton d’une centaine d’âmes. Parce qu’il aime faire naître la vie dans la pâte, il aime son monastère panaire, ermite dans la nuit à converser avec les étoiles. Et comme il ne pouvait pas vendre son pain en même temps qu’il le faisait, Daniel a choisi de ne pas le commercialiser lui-même. Il a ouvert son fournil à ses clients, qui viennent chercher leur pain quand ils le souhaitent et payent directement dans la caisse. « L’avantage du système, c’est que personne n’est prisonnier de l’autre. Les gens peuvent venir quand ils veulent, même la nuit, même le lendemain, et moi, je peux être là ou pas là. »

Et comme il faut autant de temps pour vendre son pain qu’il n’en faut pour le fabriquer, il gagne ainsi deux jours par semaine de liberté. Et cela dure depuis 30 ans… « J’ai toujours résisté à l’idée que soit on augmente son chiffre d’affaires, soit on disparaît. Moi je suis resté avec le même chiffre d’affaires depuis le début, c’est-à-dire 2 jours de pain… »


Dans sa boutique, beaucoup de couleurs, de dessins, de panneaux, d’autocollants militants, qui ont chacun une histoire. Tibet Libre, Notre-Dame-des-Landes, anti-nucléaire, des noms qui évoquent les valeurs du lieu. L’association Kokopelli et la sauvegarde des graines y ont une large place.

Car les semences sont aujourd’hui emprisonnées par le catalogue européen qui interdit l’usage des plants qui n’y sont pas inscrits. Cela signifie qu’il est aujourd’hui illégal de vendre les fruits ou les légumes que nos ancêtres ont mangés pendant des millénaires, illégal de vendre les graines du pommier du jardin. Un quart de la biodiversité de nos jardins a disparu en l’espace d’un demi-siècle. Il n’existe plus qu’une seule variété de melon sur les étals des marchés alors qu’il y en avait 160 il y a un siècle. L’association Kokopelli collecte et vend des semences anciennes pour préserver la biodiversité.


C’est pour y participer que Daniel produit 1/3 de son pain avec des blés anciens. En partie seulement, car trouver un producteur qui accepte ce trafic illégal n’est pas aisé… Il plante également dans son jardin des variétés anciennes de nombreux céréales et légumes dont il offre les graines à ceux qui sauront en prendre soin. « Je suis hors-la-loi et fièrement hors-la-loi. Je le dis, même dans les journaux, parce que c’est absolument criminel d’avoir massacré ces blés et toute la biodiversité. «

L’usage de blés anciens n’est pas le seul aspect illégal du travail de Daniel. Voyant la qualité des eaux de Bretagne qui se dégradait, il mit en place un système de récupération et de filtration des eaux de pluie qu’il utilise dans son pain. Il ne possède pas non plus de certification biologique.


Ne parlez pas de levures chimiques au boulanger, Daniel utilise un levain naturel, une recette retrouvée dans un livre du 17e siècle. Ce type de levain, qui doit être travaillé tous les jours, permet au pain de se garder bien plus longtemps que s’il est produit avec de la levure de bière, facilitant ainsi le fait de ne boulanger que deux jours par semaine. Ainsi, les autres jours Daniel s’adonne à d’autres passions…

Le pain et sa 2CV : sa liberté.
Le pain et sa 2CV : sa liberté.
Et quand vient l’été, le fournil est fermé pendant deux mois, Daniel part à la rencontre d’autres manières de voir la vie et de la vivre. Sa 2 CV l’accompagne à travers les routes de campagne pour l’amener vers d’autres horizons. « … Parce que toute ma vie ça a été des voyages à la rencontre de qui je suis. »

 

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