Pourquoi je suis convivialiste par Cengiz Aktar

Parce que je considère que le convivialisme est le nouveau et probablement l’ultime compas pluridisciplinaire de l’humanité et le dernier rempart face à la barbarie. Le convivialisme offre à la fois un solide cadre théorique généreusement holiste et un vaste cadre opérationnel ouvert à une pléthore de pratiques politiques.

Les alternatives morbides se sont toujours posées à l’humanité. Le sous-titre du Nouveau Manifeste Convivialiste, « Convivialisme ou Barbarie » présente l’avantage de rappeler le défi récurrent.  

Le nom de la revue menée par Castoriadis et Lefort reprenait une formule employée par Rosa Luxemburg dans sa célèbre Crise de la social-démocratie, de 1915, connu aussi sous le nom de Brochure de Junius, démontrant le choix auquel l’humanité était déjà acculée: le socialisme ou la barbarie. La formule s’inspirait du Manifeste du Parti communiste.

À l’époque de la grande transformation où l’humanité était confrontée à un défi inouï, l’alternative se situait entre d’un côté le socialisme et de l’autre, l’impérialisme qui conduisait à la guerre et à la fin de la civilisation, en d’autres termes, à la barbarie.

Aujourd’hui le défi de la barbarie, non seulement se répète mais s’accélère tout en se globalisant. On a affaire à une barbarie qui est bien plus organisée voire organique, pénétrante et assumée. Elle emporte dans son passage pratiquement toutes les anciennes formes de convivialité qui s’érodent à vue d’œil.

Sa dévastation est donnée à suivre en cinémascope, couvrant tous les aspects de la vie et forcément de la mort. Les machines à détruire et à tuer, qu’elles soient étatiques ou privées sont à l’œuvre partout.  Ce n’est pas un hasard si la formule « extinction » devient une constante du langage contemporain.

L’extincteur étant cette humanité barbare débridée, probablement sans commune mesure dans l’histoire et qui d’ailleurs, se targue volontiers de décivilisation…    

L’urgence face aux nouveaux barbares est réelle et quotidienne. Le convivialisme en donne la mesure et dégage les voies d’une catharsis universelle ; il se pose à la fois comme l’antithèse et l’antidote de la barbarie.  

Aujourd’hui le défi lancé à l’humanité n’a d’équivalent que le défi lancé aux convivialistes qui se trouvent devant une tâche enthousiasmante certes mais colossale quitte à reprendre la formule d’Alain Caillé : « Agis comme si tu n’avais à peu près aucune chance de réussir, pour la beauté du geste, par respect pour la vérité et pour la justice ».  

Cengiz Aktar est Professeur invité à l’Université d’Athènes, ancien directeur aux Nations Unies. Le Malaise turc, Empreinte Éditions en 2022

One Reply to “Pourquoi je suis convivialiste par Cengiz Aktar”

  1. Une théorie généreusement holiste ne suffit pas. Nous avons besoin d’une théorie complexe et du concept si riche et si mal compris de dialogique où le A et le non A cohabitent et s’opposent en se complétant.
    C’est la force du principe de légitimité plurielle qu’a énoncé et pratiqué Jean Monnet (cf mon livre) :  » Le meilleur moyen (pour moderniser la France) n’était-il pas d’ associer toutes les forces du pays à la recherche de cet intérêt général dont personne n’avait la recette en propre, mais dont chacun détenait une partie ?  »
    Edgar Morin est trop ignoré dans le Convivialisme… hélas.

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