C’est l’élevage qui sauvera la planète !


Le professeur Alan Savory se définit comme un écologue. Il est l’un des pères de la gestion moderne du pâturage.

Alan Savory nous rappelle que la survie de centaines de millions d’Humains dépend uniquement des animaux, pour leur alimentation, la production d’énergie, le travail du sol, le transport… et la fertilisation de leurs terres. La bonne gestion du pâturage se fait, d’un côté, par le prélèvement d’herbage et, d’un autre côté, par la restitution aux sols des résidus de feuilles, de tiges, de racines des végétaux… et des excréments de ces mêmes animaux. Sans cela point de cultures pour les Humains. Depuis la nuit des temps, c’est exactement ce qu’ont fait les paysans pour l’entretien et l’amélioration de leurs terres et cela à peu près partout sur le globe.

L’élevage est étroitement lié à la bonne fertilité d’un sol. En faire l’impasse serait une grave erreur.

Aujourd’hui, lors de nos débats, nous sommes dans une opposition, pour ne pas dire une radicalité d’opinions. D’un côté, les adeptes d’une écologie « puriste » qui prônent un modèle agricole sans élevage, et de l’autre, les partisans de la poursuite du modèle agro-industriel avec des animaux qui ne sortent presque plus. Ces deux visions ont d’énormes inconvénients (pollutions et/ou carences des sols) dus à la même cause : la spécialisation de l’Agriculture. En un mot, dans un sens comme dans l’autre nous séparons le sol de l’animal. Nos problèmes viennent de là, de cette séparation. Il nous faut sortir de cette dualité. Ne nous laissons pas leurrer par cette présentation artificieuse qui nous est faite. Il faut retrouver une autre voie d’avenir, d’autant que la solution existe : la polyculture-élevage. Alan Savory nous explique que notre devenir en dépend, et que cette bonne gestion de nos sols, donc de nos animaux, influencera le climat futur…

Depuis plusieurs années maintenant, dès qu’un agriculteur épand des déjections animales sur ses terres, il est accusé de polluer la nature, les sols et les cours d’eau. Nous sommes arrivés à cette situation car depuis la fin des années 60, l’État, les économistes, les industriels et les dirigeants agricoles ont mis en place un modèle agricole intensif. Cela voulait dire une spécialisation des élevages et une concentration d’un plus grand nombre d’animaux sous bâtiments. Cette orientation de l’agriculture a entraîné un surdéveloppement du maïs, des céréales et de l’épandage des déjections animales le tout accompagné d’une diminution vertigineuse des prairies et d’une importation massive de soja brésilien et américain ! Donc, il n’est pas surprenant qu’il y ait trop de nitrates dans nos cours d’eau. Cette forme d’élevage n’est pas une solution. Même si des ajustements ont été réalisés par les agriculteurs pour améliorer la situation, cela reste très insuffisant.

Insuffisant. Alors, de nombreux militants écologistes disent sans sourciller que pour régler le problème des nitrates dans l’eau, il suffirait de baisser drastiquement le nombre d’animaux, voire même de supprimer l’élevage. Pour conforter leur verdict ils n’hésitent pas à affirmer « plutôt que de donner des céréales à nos animaux, pourquoi ne mangerions-nous pas directement ces céréales ? ».

En effet, et cela paraît empreint du sceau du bon sens, ces militants partent du principe que moins nous aurons d’animaux, moins nous aurons de déjections animales, donc moins de nitrates dans l’eau. Voilà bien une solution simpliste qui découle d’une réflexion simpliste, pour le moins ! Et, ce genre de diatribes contre l’élevage est répandu par certaines associations environnementales, au demeurant très influentes, et très largement véhiculées dans les médias à fortes audiences. Néanmoins, l’efficacité de ce genre de déclinaison n’est pas aussi flagrante qu’elles paraissent, bien au contraire.

Prenons un instant de réflexion à ce concept : moins d’animaux, donc moins de déjections animales et donc par effet, moins de nitrates. Par conséquence cela induira moins de prairies pour nourrir les animaux ; ces prairies étant, ainsi, destinées à l’emblavement. Immédiatement une question se pose « comment allons-nous fertiliser toutes ces surfaces de céréales ? » La réponse tombe comme une évidence : avec des engrais azotés chimiques, eux aussi grands pourvoyeurs de nitrates. Par ailleurs, la quantité de pesticides chimiques, pour le désherbage, explosera. Et le travail du sol, pour les semis des céréales, provoquera un besoin en énergies fossiles qui s’accroîtra prodigieusement. Nous voyons bien que le résultat serait catastrophique, sans pour autant régler le problème des nitrates. En prolongeant la prospective, nous pouvons aisément affirmer que ce concept de plus de céréales pour nourrir les Humains entraînerait une baisse de fertilité de nos sols par manque d’humus et par manque de fertilisants organiques indispensables au bon fonctionnement d’un sol. La solution n’est sûrement pas là non plus.

« Inventons une société paysanne végane », des propos inconséquents tenus par des enfants gâtés aux ventres pleins, (ref. Reporterre 13/09/2023), ou autres « Cessons de manger de la viande pour sauver la planète », voilà le genre de boniments qui n’ont pas de sens, à part faire le bonheur des industriels grands promoteurs de viandes cellulaires et du lait synthétique. La fin de l’élevage voulue par bon nombre d’activistes écologiques et autres antispécistes nous conduirait inévitablement vers un cataclysme environnemental. Ce que traduit Dominique Bourg par « penser que manger un animal est immoral est totalement faux, c’est même anti-écolo » (ref. Sans transition n°38, 04-05/2023). Le remède serait bien pire que le mal.

Il n’y a pas si longtemps, quelques décennies, le Marais Poitevin était un territoire d’élevage parsemé de prairies et lézardé de haies : une immense zone humide. Tout cela fut balayé à coups de bulldozers, afin d’y semer des céréales. Exit l’élevage. Le bilan de cette stratégie est sans contestation : depuis 20 ans des sécheresses à répétition, une baisse de la fertilité des sols par manque d’humus, partiellement compensée par la fertilisation chimique, une baisse dramatique des nappes phréatiques et autres réserves d’eau, d’où un besoin des méga-bassines. Par ailleurs, le sud de la Loire est beaucoup plus sujet aux sécheresses que le reste de la France et ce phénomène commence à s’étendre aux zones où l’élevage est soit abandonné soit progressivement en régression. Tout cela n’est pas le fruit du hasard.

Il faut bien comprendre que s’engager en faveur de la polyculture-élevage demandera de nourrir nos animaux uniquement avec notre sol, sans faire appel aux artifices venus de l’autre bout du monde. Un élevage herbager pour nos ruminants, tandis que les monogastriques devront être nourris par nos céréales, nos légumineuses. Les portes de nos bâtiments devront s’ouvrir vers un élevage plein air ou semi plein air. Il faut stopper la folie des fermes usines, qui sont une aberration écologique, économique, animal et… humaine. Finissons-en avec cette agriculture faite d’artefacts.

Notre agriculture doit s’appuyer sur deux piliers : l’autonomie alimentaire, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui, et la coopération entre États (charte de la Havane), plutôt que de vouloir exporter à n’importe quel prix, souvent à l’aide de subventions, et mettre le monde en compétition. Il s’agit, avant tout, de définir nos besoins en viande afin de nous nourrir, TOUS, convenablement. Ensuite, notre élevage doit être réparti sur l’ensemble du territoire. Ce faisant, nos sols et nos cours d’eau retrouveraient un état sanitaire qu’ils n’auraient jamais dû perdre…

En conclusion, nous devons faire attention aux analyses simplistes qui amènent des solutions simplistes. L’Histoire nous apprend que toutes les civilisations qui nous ont précédés et ont disparu pour des raisons belliqueuses, économiques, religieuses, sanitaires ou autres avaient toutes adopté un régime alimentaire à base de plantes annuelles (céréales). C’est exactement ce que vers quoi nous allons…

Vouloir faire de la terre de France et d’ailleurs un immense champ de céréales, serait une bien piètre réponse à un vrai problème. N’en doutons pas, c’est l’élevage qui sauvera la planète. Mais un élevage lié à notre sol et c’est cela que nous devons préparer et accompagner, dès maintenant.

Cessons de faire la guerre à l’élevage !

5 Replies to “C’est l’élevage qui sauvera la planète !”

  1. Bonsoir.
    En réponse à M Guislain et aux autres lecteurs qui se posent des questions bien légitiment.
    Je comprends bien les réticences que suscitent les affirmations d’Allan Savory. Pourtant, pour peu que l’on connaisse les effets du pâturage et la mécanique de l’eau, nous pouvons aisément comprendre que ses affirmations sont vraies, même si l’on peut penser qu’il a amplifié et exagéré les résultats. Il n’empêche qu’il y a une grande part de vérité et en plus ne boudons pas notre plaisir car cela est, quoiqu’il en soit, une action POSITIVE!!!
    Je précise que j’utilise les techniques préconisées par Allan Savory, elles sont le prolongement d’André Voisin brillant ingénieur Agronome. Ces techniques sont spectaculaires et finalement très logiques. Il n’ y a rien d’extraordinaire, il s’agit JUSTE de respecter la biologie de l’herbe.
    Par ailleurs, monsieur Guislain vous nous présentez 2 études contradictoires….difficile de se positionner. En effet, pour toute étude il ne faut pas se fier seulement au résultat, il faudrait connaître le départ , l’itinéraire et le final de l’étude avant toute conclusion. Quand on veut tuer son chien….
    J’aimerai savoir comment on été réalisée ces études, sur quelle surface? En effet, si ces études sont réalisées sur 2-3 hectares ou sur plusieurs centaines voire milliers d’hectares le résultat peut-être totalement biaisé et opposé.
    Personnellement, en connaissant la biologie de la pousse de l’herbe et la mécanique de l’eau, je peux vous affirmer que les techniques d’Allan Savory, si elles étaient appliquées à grandes échelles, auraient un impact positif sur le climat!!!
    Notre époque souffre d’une dévégétalisassion et d’une très très très mauvaise gestion de l’eau. Nous ne gérons pas l’eau nous l’expulsons….
    Dans le dérèglement climatique il n’y a pas QUE le carbone( qui est un engrais pour nos plantes faut-il le rappeler?), il y a aussi la végétation et l’eau. Lorsqu’il y a de l’eau il n’y a pas de canicule!!!
    Au travers de cet article, je veux faire la promotion d’un autre modèle agricole : la polyculture-élevage. Ce modèle a du sens et est une porte d’avenir.
    Pierrick Berthou

  2. Bravo pour cet apport essentiel. J’en profite pour vous recommander le dernier numéro spécial La Vie Sciences : Les Trésors du vivant avec un entretien sur 8 pages de Philippe Descola
    signataire du Manifeste Convivialiste et dont les apports sont encore trop peu présents et actifs dans notre Mouvement.

    Cordialement,
    Michel ADAM

  3. S’il est certainement une bonne chose que de promouvoir la polyculture associée à l’élevage, il faut le faire en ne prenant que des arguments pertinents, tout en montrant comment on peut mettre en chantier un tel projet. Le texte présenté ici s’appuie sur les travaux contestés du Pr Allan Savory qui prétend que l’élevage sauvera la planète.

    Ce texte en outre caricature les positions. Par exemple, en Bretagne c’est l’excès d’élevage des cochons qui a pollué au nitrate nombre de nappes phréatiques et produit le phénomène de prolifération des algues vertes. Par ailleurs les écologistes promouvant une agriculture vegan sont marginaux, en revanche il y a un consensus assez large pour considérer que nos consommations de viande gagnerait pour la santé et la planète à être réduites. Sur la contestation des évaluations « scientifiques » du Pr Allan Savory voir par exemple la synthèse de sa fiche wikipedia https://fr.wikipedia.org/wiki/Allan_Savory

    « Selon James E. McWilliams dans le magazine Slate, Savory adhère « à des conclusions scientifiquement discutables face à des preuves du contraire » ;
    Face à des déclarations d’éleveurs s’appuyant sur les résultats de Savory pour affirmer que « manger plus de viande pourrait sauver le monde », George Monbiot a dit de lui « ses déclarations ne sont pas étayées par des preuves empiriques et des travaux expérimentaux, et à des égards cruciaux, ses techniques font plus de mal que de bien ».
    Ce commentaire a toutefois à son tour été critiqué par un article ultérieur publié dans The Guardian par Hunter Lovins sous le titre « Pourquoi George Monbiot a tort : le bétail en pâturage peut sauver le monde ».

    En 2016, une étude publiée à l’Université d’Uppsala estimait que l’augmentation de la capacité de séquestration du carbone envisageable grâce une meilleure gestion des pâturages est sept fois inférieure à celle avancée par Savory. Elle conclut que la gestion holistique des pâturages ne peut pas stopper les changements climatiques comme l’affirme Savory.

    En 2017, une autre étude, du Food and Climate Research Network, concluait que les affirmations de Savory à propos de la séquestration du carbone dans les pâturages sont « irréalistes », et contredites par les estimations issues des études revues par les pairs.

    Selon Skeptical Science, une telle affirmation est injustifiée, la capacité de séquestration du carbone des terres étant trop limitée et les émissions de méthane liées au bétail trop importantes. En outre le maintien de troupeaux denses de bovins, ovins ou caprins en zone aride exige des pompages afin de les abreuver. »

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