Dans son interview estivale à la revue Le Point, le président Macron déclarait fin août 2023 : « Les usages numériques, en particulier les réseaux sociaux, abolissent respect et civilité, en grande partie en raison de l’anonymat, et sapent l’autorité de tout discours en créant un espace où toutes les paroles se valent. »
Il rejoint sur ce point une préoccupation récurrente des convivialistes qui publient ici leur analyse.
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L’accès de tous à l’espace public par le biais du numérique et des réseaux représente un progrès pour la démocratie : les opinions individuelles ne sont plus filtrées ni plus ou moins censurées par les médias et les porte-paroles. Mais ce caractère positif a aussi une dimension sombre et dangereuse.
Internet est en effet devenu le lieu d’un déferlement de contenus haineux, d’insultes, de fausses informations, d’attaques personnelles, de harcèlements, voire d’appels au meurtre.
Les Convivialistes appellent à la mobilisation générale contre ce déferlement qui contredit la promesse de progrès du numérique, met en danger l’art de vivre ensemble et endommage l’espace public sur lequel il est essentiel de savoir s’opposer sans se massacrer. Or, de plus en plus, les réseaux dits sociaux fabriquent de multiples ennemis et en deviennent asociaux. Plus précisément, ils transforment les adversaires en ennemis. Des ennemis imaginaires, fantasmés au début, mais qui, peu à peu deviennent des ennemis véritables, si bien que tout le monde devient l’ennemi de tout le monde.
Il est crucial de briser cette spirale infernale. Nous n’avons aucune chance d’affronter les énormes défis de l’époque, à commencer par la lutte contre le réchauffement climatique, si nous ne savons pas bâtir une société plus vivable, plus conviviale. Mais il faut bien sûr le faire sans remettre en cause la liberté de penser, de communiquer, d’informer et d’opiner, tout en empêchant que celle-ci ne serve de paravent au déchaînement de haines incontrôlées.
L’Union européenne, via le règlement sur les services numériques qu’elle a récemment adopté, et la France, au travers du projet de loi porté par Jean-Noël Barrot, le ministre délégué chargé du numérique, destiné à sécuriser et réguler l’espace numérique, sont en passe de déployer des mesures allant dans ce sens. Ces mesures, qui s’adressent principalement aux plateformes en créant pour elles de nouvelles obligations, visent essentiellement à assurer que ce qui est illégal hors ligne le soit aussi en ligne. Ces nouvelles dispositions devront toutefois s’accompagner d’une responsabilisation des citoyens eux-mêmes afin d’apaiser durablement notre espace numérique.
Nous les appelons donc à se mobiliser pour contribuer à civiliser les réseaux sociaux par des actions très concrètes.
- D’abord en utilisant les nouveaux outils que les plateformes numériques vont être tenues de mettre à la disposition des internautes pour leur permettre de leur signaler par un simple clic les contenus illicites, de la même manière que sont spontanément ramassés par les personnes soucieuses de leur cadre de vie les détritus jetés sur la voie publique. Cette action donnera sa pleine efficacité à l’obligation désormais faite aux plateformes de rapidement retirer ou rendre impossible d’accès les contenus et messages en cause sous le contrôle d’autorités nationales et sous peine de sanctions.
- Ensuite en s’abstenant de recourir à l’anonymat ou au pseudonymat, en particulier pour mettre en cause nommément des personnes. En effet, bien qu’illusoire puisqu’il est toujours possible de remonter à la source d’un message, le sentiment d’anonymat génère un fantasme d’impunité largement répandu qui favorise toutes les dérives. Les plateformes numériques doivent encourager cette éthique personnelle, par exemple en distinguant, avec leur accord, les auteurs dont l’identité est vérifiée, qui assument donc pleinement la pertinence des messages qu’ils partagent et les opinions qu’ils expriment.
- En sensibilisant leur entourage et leurs relations aux dangers que ces dérives représentent pour notre démocratie, notre vie en société et les individus eux-mêmes, et en faisant œuvre de pédagogie sur les moyens de les combattre.
- Enfin en s’engageant dans les associations auxquelles sera conféré le statut de « signaleur de confiance », instauré par les nouveaux règlements sur les services numériques, qui fera de celles-ci des interlocuteurs privilégiés des plateformes pour la détection des contenus et messages illicites.
Les harceleurs et les auteurs d’appels à la violence qui ont fait l’objet récemment de sanctions pénales ont été surpris en découvrant qu’ils n’étaient nullement autorisés à le faire. Il est urgent que ceux qui canalisent, anonymement et impunément pensent-ils, des expressions de haines incontrôlées comprennent que peu à peu ils ne pourront plus le faire sans en assumer la responsabilité.
Tribune préparée par Alain Caillé, Marc de Basquiat, François Dubet, Jacques Lecomte, Patrice Parisé
Bonjour
Sur le fond, cela me semble plein de bon sens. Sur la forme renforcer la surveillance des individus, associée à une éventuelle délation me met mal à l’aise. En effet qui jugera que mes propos sont potentiellement dangereux pour la paix sociale, strictement à l’aune de la loi ?. Cela peut poser par exemple des problémes pour une discussion, voire un appel à la déobéissance civile.
Bonjour,
Connaissez-vous le projet Mobilizon?
J’aimerai le présenter à des convivialiste, ce serait pertinant.
Je laisse mon contact
Tout à fait raccord avec votre tribune. Un angle mort, celui de la désinformation » d’Etat « , telle que certains pays la pratique avec une efficacité redoutable. Cette dernière étant capable d’influencer un scrutin et de mettre à mal les bases actuelles des démocraties euroréennes. Je pense en particulier au rôle tenu par la Russie dans la campagne du Brexit…
Bonjour,
Que pensez-vous du collectif framasoft qui me semble proposer des solutions convivialistes ?
Comment à participer à la promotion de ce mouvement qui vise à affronter directement le monde numérique « marchand » ?
Cordialement