mardi 17 décembre 2019

Par-delà la juxtaposition de compétitions et de records, les Jeux Olympiques sont, avec leurs composantes culturelles et artistiques, la grande fête omnisports mondiale. Des athlètes du monde entier y participent (Athènes 1896 - 245 participants - 14 pays / Rio 2016 – 11 000 participants – 206 pays) et ils sont suivis par des millions de spectateurs et téléspectateurs ( 2 milliards pour Rio 2016). C’est ce qui fait des JO le premier évènement planétaire. C’est ce qui fait aussi de lui, le reflet de notre monde. Comment ne pas être extrêmement attentifs à leur contenu, à leur relation avec la société et à ses évolutions ?

Nés à la fin du XIXème siècle de la volonté d’un aristocrate éclairé, Pierre de Coubertin, pour promouvoir une nouvelle forme d’éducation, après les jeux antiques, les jeux modernes sont restés le produit de leur époque. Ils sont marqués par une certaine vision du monde, par les états nations, les grands empires coloniaux centrés autour de valeurs occidentales, par un productivisme allant vers la démesure, la soumission à l’argent... Petit à petit les inégalités, les dominations, les ségrégations qui traversent ce monde se sont invités aux JO (voir page XXX). Ils se sont inscrits aussi, pendant des années, dans la division est/ouest et dans la confrontation binaire, polarisée, en tous domaines, entre deux conceptions du monde. Tout cela indique que, contrairement à l’idée d’un sport neutre, dans une bulle, ces réalités sont partie intégrante des JO.

Le sport a bougé, le monde a bougé, a changé. Ils bougent encore. De fantastiques progrès ont été accomplis, avec la révolution scientifique et technique, dans les transports, dans les technologies en particulier s'agissant de la circulation et du traitement de l’information, dans les biotechnologies...

Sur le plan politique aussi le monde bouge. Des murs sont tombés (Berlin), d’autres se sont élevés (Palestine, USA/Mexique…), d’autres, tout aussi efficaces, sont virtuels (mur de l’argent par exemple). Des pays émergent au Sud (Brésil, Chine, Inde, Afrique du Sud…). La mondialisation structure des marchés planétaires, va jusqu’à organiser nos vies, nos besoins... Les paradis fiscaux ont favorisé un développement de la corruption, de la spéculation financière.

L’évidence d’une crise durable s’impose à tous : une triple crise emboîtée. Une crise marquée par l’épuisement d’un capitalisme devenu financier. Une crise systémique aussi qui combine les contradictions fondamentales habituelles (capital / travail) et celle entre productivisme et limites posées par l’écosystème planétaire. Une crise de civilisation enfin, celle de la modernité occidentale qui, de tous temps, affirmait sa domination sur le monde.

La dimension symbolique du « désenchantement » qui prolonge ce basculement du monde ne peut qu’impacter les évènements à vocation universelle comme les JO. Avec la fin du rôle et de la place de « l’occident » traditionnel – basé sur les « conquêtes » (en 1492, Christophe Colomb « découvrait » l’Amérique !), le colonialisme, le néo-colonialisme, l’échange inégal, la « mission civilisatrice »… -, chacun veut penser, reconstruire son identité. Mais comment trouver toute sa place dans un monde où les habitudes, les certitudes, l’ignorance, la position sociale vous traitent en « minorité » et vous rejettent aux marges ? 

Il devient urgent d’admettre qu’il y a besoin de concevoir un monde sans centre du monde ! Et les Jeux Olympiques, par leur portée planétaire, doivent contribuer à l’évolution de cette nouvelle société, en s’attachant à porter des valeurs universelles comme l’Écologie, l’Égalité, la Solidarité… Nous y arriverons collectivement en rénovant la « gouvernance » du sport, sa démocratie, en permettant l’émancipation et la construction identitaire de tous, en faisant en sorte que la culture – le sport en étant une forme –, les cultures y prennent toutes leurs dimensions et en comprenant la nécessité de se rapprocher du terrain pour éviter toute démesure.

 

L’écologie dans le sport et la planète

De toutes ces valeurs, la question écologique occupe actuellement le devant de la scène, notamment par le partenariat signé en 2017entre Paris 2024 et WWF mais aussi dans le cadre de l’agenda 2020 du CIO (voir page xxx).

Les modes de pensée sont en effet bouleversés par la question écologique qui implique une autre répartition des richesses.  Dans l’économie, elle se traduit par une prise en compte de la rareté des ressources naturelles, des interactions entre l’environnement, le social et la performance économique, c’est-à-dire par le besoin d’un nouveau paradigme économique, il faut « écologiser » l’économie. Même les plus libéraux sont aujourd'hui obligés d’au moins prendre en compte les coûts induits par les changements climatiques et la dégradation écologique de la planète. Dans la politique, elle suppose l’intégration des critères environnementaux et sociaux lors des prises de décisions (qu’elles soient internationales, nationales ou locales), la capacité à confronter sans arrêt, dans la transparence et par le débat démocratique, enjeux locaux et globaux.

Le sport n’est donc pas épargné par ces dimensions incontournables que ce soit dans l’organisation des évènements, dans la construction des équipements ou dans la pratique même qui s’orientent aujourd’hui beaucoup vers des disciplines plus proche du milieu naturel, plus « libre » (explosion des activités de pleine nature, mode du running sans chaussures…). La preuve la plus flagrante de cette nouvelle tendance est l’intégration aux JO de Tokyo en 2020 de nouvelles disciplines comme le surf et l’escalade.

 

Une aspiration à l’Égalité en décalage avec la réalité

 L’autre dimension fondamentale qui mobilise aujourd’hui nos sociétés et qui se retrouve dans le sport, en tant que reflet de celles-ci, et donc dans les JO, est la question de l’égalité. 

Et pour mettre en œuvre les déclarations de principe dénonçant l’inégalité d’accès comme pratiquants, comme acteurs, comme spectateurs, il y a la nécessité d’une profonde remise en cause.

En effet, jamais il n’y a eu, à l’échelle planétaire, autant d’aspirations à l’égalité, à l’accès à des droits, dans les domaines les plus divers –dont le sport- et de manière aussi universelle. Mais force est de constater que nous vivons dans un monde où triomphent les inégalités. Ainsi, selon un rapport d’OXFAM, 62 personnes (53 hommes et 9 femmes) possèdent autant de richesses que la moitié la plus pauvre de la population mondiale.

Les dérives dont le sport est d’ailleurs victime (corruption, tricherie, dopage...) montrent, à l’échelle de ce qui devrait ne rester que des jeux, les difficultés à « mettre à égalité ».

 

Pour une grande fête omnisports et solidaire

 Paris s’est donc engagé pour accueillir les Jeux olympiques de 2024. Mais pour faire quoi ? Dépenser à perte des milliards d’euros dans des infrastructures et offrir quinze jours de publicité aux multinationales sponsors ? Promouvoir une grande fête omnisports, pour l’égalité, la solidarité, dans le sens de l’émancipation, pour mettre les actes en conformité avec les paroles ?

 À l’analyse des bilans des olympiades de ces dernières décennies pour les territoires et populations locales (Athènes, Pékin, Sotchi, Rio...), à la lumière des aspirations et des mouvements des peuples pour une réelle démocratie et la transparence dans l’organisation des grands évènements, il est désormais acquis que les Jeux ne peuvent plus être organisés comme par le passé en niant ou en négligeant les conséquences sociales, économiques, politiques, écologiques... Il s’agit d’aller au-delà des déclarations de principe, plus loin dans la mise en œuvre concrète de l’Agenda 2020 (Voir page XXX) du Comité International Olympiques (CIO), d’en travailler un nouveau.

Dès lors que les jeunesses veulent se donner la main à l’échelle des territoires, à l’échelle de la planète, dès lors qu’elles ne la considèrent plus comme un lieu de concurrence internationale, mais comme le patrimoine de l’humanité à préserver, il convient d’entendre, d’écouter et de retravailler en ce sens toutes les activités humaines. Une condition : qu’elles se libèrent de la mainmise de l’argent-roi. Le sport peut, doit donner l’exemple.

 

Rapport à l’universel, rapport à la proximité

 Entre juin et octobre 2015, c’est-à-dire après le lancement officiel de la candidature de Paris, la Fédération Française des Clubs Omnisports a mené une enquête auprès de ses clubs adhérents, 127 clubs ont répondu. Les résultats révèlent, à cet instant-là, un profond paradoxe sur leur perception et leur façon de vivre les JO et montre bien la distance entre « engouement idéologique » et retour à la pratique, à la proximité, le décalage entre « discours sur... » et engagement concret.

 

  1. « Êtes-vous favorable à l’organisation de grandes manifestations sportives en France ? » ð 81 % de réponse oui.
  2. « Les JO représentent-ils le sport dans son ensemble ? » ð 80 % de réponse oui.
  3. « Les JO vont-ils dans le sens des valeurs que votre club défend ? » ð 77 % de réponse oui.
  4. « Les valeurs du sport que défend votre club et celles des JO sont-elles en correspondance ? » ð 77 % de réponse oui.
  5. « Les fédérations omnisports ont-elles une place à prendre dans les Jeux Olympiques ? » ð 86 % de réponse oui.
  6. « Êtes-vous favorable à la candidature de Paris aux JO 2024 ? » ð 73 % de réponse oui.

 

Les réponses à ces premières questions de l’enquête illustrent bien l’intérêt et la vision positive des dirigeants d’associations sportives vis-à-vis des JO. Le paradoxe apparaît quand il est demandé aux dirigeants : « Quelles sont les retombées que vous attendez ? »

  • Pour la France : 88 % de retombées positives
  • Pour votre ville : 35 % de retombées positives
  • Pour votre club : 29 % de retombées positives
  • Pour vous : 18 % de retombées positives.

 

Plus on se rapproche de la proximité, du terrain et des gens, plus ils sont désabusés, moins ils considèrent qu’il y a des retombées positives « pour eux » même s’ils soutiennent très fortement « les idées ».

 Fort à parier que par-delà les actions de communication, comme les ventes de bracelets, ces acteurs du sport au quotidien sont disponibles... encore faut-il qu’ils aient un pouvoir sur leur activité, qu’ils aient leur mot à dire, qu’ils puissent intervenir.

Mais ce rapport au « sport près de chez nous » ne renvoie-t-il pas aux mêmes questions, aux mêmes leviers ? Sens, valeurs, transparence, démocratie, possibilité d’intervenir, d’exister, d’avoir prise sur son activité ?

 

« Gouvernance », démocratie et transparence : Un projet pour une société nouvelle

Les identités collectives jouent un rôle crucial dans ce monde-là. L’olympisme, les Jeux Olympiques, avec toutes leurs contradictions, fonctionnent dans l’universel. Ils contribuent à façonner l’Humanité. Comment les construire, reconstruire, déconstruire de telle sorte qu’elles dynamisent le débat démocratique ? Il faut bien sur avoir un parti-pris, affronter le pseudo consensus « de la famille olympique » du « mouvement sportif », montrer les enjeux, les choix, les éclairer. Mieux reconnaitre l’ambivalence de la sociabilité humaine.  Plutôt que d’essayer de concevoir des institutions-usine à gaz qui à travers des procédures prétendument impartiales résoudraient tous les conflits d’intérêts et de valeurs –mission impossible-, le sport a besoin d’un espace public vivant de contestation, de dialogue, où différents projets peuvent se confronter, se rencontrer, s’alimenter dans un dialogue compétitif et constructif.

En effet, Reconstruire de nouveaux aller et retours entre instituant et institué et permet ainsi d’ouvrir des espaces. Les moments « instituants » donnent de la place au « mouvement », au mouvement sportif, proposent, rassemblent sont vecteurs de changement(s), d’avancées, permettent de progresser, de remettre en cause. Si les moments « institués » stabilisent, donnent visibilité, ils peuvent aussi ossifier, bureaucratiser, s’inscrire dans une volonté de tout contrôler, ils sont sources de pouvoirs et de leur reproduction, plus sensibles à la force des « puissants ».

Ce qui a été créé par un aristocrate éclairé peut-il encore être géré en partie par des têtes couronnées ? pour certaines régnant dans des « paradis fiscaux » ?

Dans un monde qui n’est plus masculin, blanc, occidental, hétérosexuel..., où les rapports entre les gouvernements cessent d’être le centre d’intérêt et de décision unique, où les rapports entre les peuples et leur histoire deviennent centraux, de nouvelles avancées sont nécessaires.

D’autant que les JO ont eu une place « symbolique » importante en faveur de ces mutations, dans l’institution, à l’exemple des exclusions anti-apartheid, et hors institution, à l’exemple de Tommie Smith, John Carlos, Peter Norman, les uns poing ganté de noir levé, l’autre tête baissée, sur le podium à Mexico 68. Résultats et conséquences s’inscrivent dans des rapports de forces ? Bien sûr, comme toujours.

En termes organisationnels, par-delà l’hégémonie d’une superpuissance mondiale de gouvernance absolue et aseptisée, il y a besoin d’organiser des structures en relation avec un monde multipolaire, dans un équilibre entre différents pôles régionaux, permettant la construction des évènements dans la pluralité.

Ce n’est pas une question de personnes, il y a besoin de changer de structures pas seulement de têtes, au CIO comme partout. Il faut redonner du souffle par-delà les équilibres qui sont ténus et fragiles mais peuvent aboutir à l’immobilisme. Il s’agit de permettre une implication plus importante des acteurs de terrain, des sportifs, des dirigeants au cœur de tout processus de transformation.

Un cancer particulier doit être éradiqué, c’est urgent, celui de la corruption. Il en va de la crédibilité du CIO dans son rôle même dans la désignation des villes olympiques. Cet enjeu ne peut se régler de manière évasive dans un package éthique parmi d’autres recommandations visant par exemple les athlètes. Des mesures très concrètes s’imposent. Elles ne sont qu’un premier point de passage obligé, avant toute réforme d’ampleur, pour une institution qui brasse 5,7 Milliards de dollars (somme qui ne cesse de progresser). L’attribution simultanée, très médiatisée, des Jeux d’été 2024 et 2028 est « bien » arrivée, elle donne du temps, elle a permis d’échapper pour un temps aux affaires dévoilées récemment et d’éviter trop de débat sur le renouvellement d’une des nombreuses commissions fermées (au CIO tout se coopte), celle justement de l’éthique...

Les JO n’appartiennent ni aux sponsors, ni au CIO, ni à la ville ou au pays organisateur, ils sont un bien commun. « Le sport est un droit » et chacun doit pouvoir vivre pleinement les JO, leur préparation, leur héritage.

En liaison avec ces réalités, les Jeux Olympiques, parce qu’ils portent de l’universalité, peuvent et doivent aider à façonner de nouvelles représentations du monde, à donner sens au monde actuel, à enrayer la flambée des paniques morales, à donner consistance à un projet émancipateur à la fois économique, social, politique, bref à accomplir une révolution démocratique émancipatrice. Il s’agit de s’appuyer sur l’expérience quotidienne des sportifs citoyens, de la concrétiser. Dit autrement, il y a de multiples occasions de chercher et de donner un sens à leur expérience quotidienne.

 

Les JO participent à la construction de l’identité de chacun

Mais au-delà de la construction collective, les expériences des sportifs citoyens leurs permettront de développer leur propre identité. Jamais il n’y a eu autant affirmation de soi dans son rapport à l’autre. Émancipation, identités, l’être humain est pluriel et existe dans son rapport aux autres, quoi de plus beau qu’une rencontre (avec toutes les dimensions de ce mot) sportive pour assumer cela dans un langage, celui du corps, lui-aussi universel.

Les JO, de par leur nature mondiale et universelle doivent contribuer au développement, à la construction de chacun au-delà aussi de la simple succession de rencontres sportives mais par la rencontre des peuples. Ces personnes qui apportent toutes sur un même lieu, en un même temps, un peu de leurs savoirs, de leur histoire et de leur culture. C’est le mélange de toutes ces richesses qui permet aussi à chacun de forger son identité.

 

Le sport est culture

 Cette « société moderne » est marquée par l'extension du processus de mercantilisation, de marchandisation , de financiarisation de la sphère économique à la sphère culturelle. Cette extension est mise en évidence par l'apparition d'une "industrie de la culture" comme d’une « industrie du sport »

Avec l’importance de la mobilité et du développement des réseaux d’information (Internet, multiplication des chaînes TV - thématiques, d’informations en continu-...) dans la formation de représentations collectives uniformisées, « franchisées », il y a en quelque sorte un effacement de cultures «particulières» qui pouvaient échapper jusque-là à la normalisation et à la domination culturelle.

La dimension affective que mobilisent ces identifications collectives est un fait, le sport suscite des passions, il a à voir aussi avec les désirs et les rêves des gens. Comment les mobiliser à des fins démocratiques, émancipatrices ?

Quelle « culture » ? Quelle place entière et pleine dans la culture pour le sport ?

A-t-on bien mesuré ce que sous-tend la formule « le sport est culture » et toutes les dimensions que porte la culture et qui parcourent donc le sport : philosophie, vision du monde, création, développement et émancipation humains...

Aujourd’hui ne s’agit-il pas d’aller plus avant ? De dépasser l’affirmation, d’assumer, et donc de garantir à chacun la liberté de vivre ses droits culturels, son identité culturelle, c’est à dire « l’ensemble des références culturelles par lesquelles une personne, seule ou en commun, se définit, se constitue, communique et entend être reconnue dans sa dignité » (Déclaration de Fribourg sur les droits culturels, 2007).

Ce « combat culturel » ne se résume pas seulement à un combat pour des « valeurs », il prend donc une autre dimension. Il s’agit de comprendre dans tous « les lieux qui font société » - et le stade, le sport en sont- la nécessité de nouveaux droits, de nouvelles conquêtes pour prendre en compte les mutations du monde. De le faire vivre, d’agir en ce sens. Ce « combat culturel » reste trop le parent pauvre du sport, instrument d’une politique qui fuit le politique, d’une non-stratégie qui clame que « le sport est apolitique » pour mieux l’inciter à succomber à sa marchandisation. Il devrait être au cœur de l’olympisme, des jeux. Jusqu’à présent, il n’en a peu été. Ce combat culturel doit s’ancrer par des actions concrètes, par des institutions revitalisées. Il ne s’agit pas que d’un discours, il s’agit d’une manière de mener et d’incarner un projet fédérateur innovant.

Il a une importance primordiale dans les dynamiques de prise de pouvoir, de reconstruction de pouvoirs, pour sortir d’un encerclement par la puissance des entreprises de divertissement de masse, du capitalisme financier, de la société de consommation, de l’uniformisation culturelle.

Le sport, s’il est réapproprié par les sportifs et les acteurs de proximité, peut contribuer à donner sens au monde actuel, à accomplir une révolution morale émancipatrice.

 

L’époque actuelle s’oriente vers un retour à la proximité, à la simplicité, à des actions plus modeste comme pour tourner la page du « toujours plus » des dernières décennies, à l’image des villes d’aujourd’hui, où il est possible de mettre en place des réseaux verts pour favoriser les circulations douces, de transformer en boulevards les voies rapides. Ne devrions-nous pas suivre cette tendance et « ramener les JO à une taille plus humaine » ?

Une « sobriété » sportive doit et peut se développer

Il s’agit de donner plus de place aux « gens », de combattre avec volontarisme toutes les formes de gigantisme, les investissements disproportionnés et inutiles, en lien avec une planification urbaine au service des habitants, de promouvoir la transparence financière, de contrôler des engagements (comme l’autofinancement total de l’organisation des Jeux Olympiques et le financement du déficit par le CIO), de s’assurer de l’accessibilité financière à tous, de mettre en place les outils pour favoriser une vigilance citoyenne, indépendante, active et drastique sur l’utilisation des moyens publics dans le cadre de toute candidature.

Comment favoriser l’inventivité pour, à l’avenir, définir une autre façon d’aborder l’organisation de rendez-vous sportifs internationaux, en mettant la démocratie au centre, développer de nouvelles formes de compétitions, favoriser l’interdisciplinarité, la mixité ?

 

Des mesures et démarches prises en amont donneraient un élan à ce projet sportif novateur. En voici quelques exemples :

  • S’appuyer en priorité sur le mouvement sportif associatif et ses entités de base, locales, les clubs et associations, pour organiser les grands événements, nationaux, internationaux et développer ainsi une politique de coopération solidaire.
  • Développer systématiquement le rapport au sport de toutes et de tous, la solidarité, la préservation de la nature, la sensibilisation à l’environnement.
  • Être attentif à la mise en avant de disciplines et pratiques peu médiatisées.
  • Donner des moyens indépendants à un comité de vigilance et de suivi avec des experts/acteurs du sport associés à des citoyens, des spectateurs tirés au sort à partir d’un appel à volontariat, pour analyser ce qui a été annoncé/ce qui est réalisé et donner les réorientations nécessaires si besoin.
  • Mettre en place, chaque fois que l’organisation d’un événement d’envergure internationale nécessite un débat public, un référendum, avec une démarche pédagogique contradictoire.
  • Construire un rapport nouveau aux spectateurs et supporters afin qu’ils soient des acteurs « positifs » d’un sport populaire, sans chauvinisme, sans violence, contre toute forme de discrimination.
  • Donner retentissement et visibilité à des lieux de débats et d’échanges entre acteurs, chercheurs, universitaires (colloques, journées d’études, tables rondes, émissions radios, rencontres scientifiques...) mis en place en relation à l’événement

Au moment où Paris va organiser les JO de 2024, tous ces enjeux marquent les esprits ; ils commencent déjà à être posés avec l’agenda 2020 du CIO, il conviendra sans aucun doute d’aller plus loin et de travailler une nouvelle étape : après les JO de l’antiquité, après ceux de la modernité, des Jeux Olympiques 3.0 ?

Devant l’instabilité et le chaos d’un monde chaque jour plus imprévisible, de nouvelles pratiques, de nouvelles idées et de nouveaux concepts émergent. Sur tous les continents, des gens, des groupes, tentent de résister à toute fuite en avant qui pourrait être fatale. Puisque rien n’est lisse, amorphe, ils révèlent des complexités : tout est possible et tout se mélange. Dans ces mobilisations, ils défendent aussi, pour imaginer des alternatives, tout ce qui peut constituer des points d’appui dans leurs pratiques, leurs histoires et traditions –l’olympisme en fait partie-. Peuvent-ils être entendus ? pris en compte ?

Le sport, phénomène social total, est aussi, bien sûr, événement, émotion, création… Les Jeux Olympiques sont un spectacle de qualité qui, dans la mesure où ils respectent les valeurs affichées, leur éthique, où ils redeviennent à taille humaine, démocratisé, populaire, attentifs à l’environnement…  peuvent assurer un rayonnement positif de type nouveau à la France et aux futurs territoires d’accueil, peuvent promouvoir la rencontre des cultures, le partage des expériences et des plaisirs et le dépassement collectif humain. Un événement international de cette importance doit toujours être l’occasion de réflexions parallèles et complémentaires sur le sport et son rapport à la société. Une vision, une visée omnisports sont incontournables pour produire ces décalages inventifs.

 

Gérard PERREAU-BEZOUILLE

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