Nous publions cet Appel des 1000 scientifiques, qui invite à la désobéissance civile devant l’inaction du gouvernement face au dérèglement climatique. Ce n’est pas sans hésitations. Un débat est en cours parmi les convivialistes sur le statut de la désobéissance civile. Elle ne peut ni être condamnée ou refusée a priori, aussi longtemps qu’elle s’inscrit dans une optique de non-violence, ni prônée pour elle-même, de manière indifférenciée, au risque de fragiliser encore plus des institutions démocratiques déjà passablement ébranlées.
Mais cet Appel, dont les mille premiers signataires ont vite été rejoints par de très nombreux autres scientifiques, traduit la prise de conscience par les milieux de la recherche, souvent très prudents, des urgences auxquelles il nous faut faire face. Et les convivialistes ne peuvent que s’en réjouir.
Face à la crise écologique, la rébellion est nécessaire
Nous, soussignés, représentons des disciplines et domaines académiques différents. Les vues que nous exprimons ici nous engagent et n’engagent pas les institutions pour lesquelles nous travaillons. Quels que soient nos domaines d’expertise, nous faisons tous le même constat : depuis des décennies, les gouvernements successifs ont été incapables de mettre en place des actions fortes et rapides pour faire face à la crise climatique et environnementale dont l’urgence croît tous les jours. Cette inertie ne peut plus être tolérée (…). « Les sociétés humaines ne peuvent continuer à ignorer l’impact de leurs activités sur la planète sans en subir les conséquences, comme l’ont montré de longue date et chaque jour plus clairement de nombreuses études reflétant le consensus scientifique. Si nous persistons dans cette voie, le futur de notre espèce est sombre.Notre gouvernement se rend complice de cette situation en négligeant le principe de précaution et en ne reconnaissant pas qu’une croissance infinie sur une planète aux ressources finies est tout simplement une impasse. Les objectifs de croissance économique qu’il défend sont en contradiction totale avec le changement radical de modèle économique et productif qu’il est indispensable d’engager sans délai.
Les mille signataires dénoncent encore les politiques françaises actuelles en matière climatique et de protection de la biodiversité : elles sont selon eux encore « très loin d’être à la hauteur des enjeux et de l’urgence auxquels nous faisons face ». Et d’ajouter que, loin de confirmer une prétendue opposition entre écologie et justice sociale, le mouvement des « gilets jaunes » « a dénoncé à juste titre l’inconséquence et l’hypocrisie de politiques qui voudraient d’un côté imposer la sobriété aux citoyens tout en promouvant de l’autre un consumérisme débridé et un libéralisme économique inégalitaire et prédateur ». On connaît les conséquences de ces convictions : « continuer à promouvoir des technologies superflues et énergivores comme la 5G ou la voiture autonome est irresponsable à l’heure où nos modes de vie doivent évoluer vers plus de frugalité et où nos efforts collectifs doivent être concentrés sur la transition écologique et sociale ».
Cet appel à la « désobéissance civile » n’interdit pas le respect des règles démocratiques. Les signataires demandent aussi aux pouvoirs publics de dire la vérité concernant la gravité et l’urgence de la situation » – à savoir que « notre mode de vie actuel et la croissance économique ne sont pas compatibles avec la limitation du dérèglement climatique à des niveaux acceptables ». Ils appellent les responsables politiques nationaux comme locaux « à prendre des mesures immédiates pour réduire véritablement l’empreinte carbone de la France et stopper l’érosion de la biodiversité ». Ils exhortent, enfin, l’exécutif et le Parlement « à faire passer les enjeux environnementaux avant les intérêts privés (…) ».
Rappel : la « désobéissance civile » est le refus assumé et public de se soumettre à une loi, un règlement, une organisation ou un pouvoir jugé inique par ceux qui le contestent, tout en faisant de ce refus une arme de combat pacifique. Le terme fut créé par l’américain Henry David Thoreau dans son essai La Désobéissance civile (1849).