Les périls mortels de la pandémie et les risques d’effondrement économique, financier et social ont contraint la plupart des gouvernements du monde entier à des réactions financières sans précédent, à coups de milliers de milliards d’euros ou dollars.
Réactions salutaires, si ces gouvernements renoncent, au delà des discours vertueux, aux politiques fondées sur les profits démesurés de quelques uns, sans souci de la dégradation de la nature, de la précarité des populations et de l’affaiblissement des services publics parmi lesquels celui de la santé.
Mais si au contraire ces politiques persistent, l’emploi à contre sens d’une dette malsaine submergeant l’économie ne peut mener qu’au chaos financier, économique, social et politique.
Des milliers de milliards. Pourquoi faire ?
C’est dire l’énorme enjeu et l’urgence des décisions qui seront prises dans les mois à venir ; elles le seront sous un choc, un événement inouï qui a ébranlé les plus chauds partisans du système et fait surgir, pour sortir de la crise, l’annonce de milliers de milliards là où jusqu’ici (dans les hôpitaux par exemple) quelques petits millions ne passaient pas. Mais une chose est d’annoncer des milliards, autre chose de pouvoir les employer à bonne fin.
Les citoyens face à la politique
Il est douteux de pouvoir le faire sans changer la nature de la politique, tant dans ses objectifs que dans ses méthodes : rompre avec un système porté par le dynamisme et les intérêts propres aux plus riches et qui privilégie les activités et les lieux où ils espèrent tirer des rendements de plus en plus élevés ; un système exercé par les tenants du pouvoir de manière hiérarchique et autoritaire, avec l’assurance de détenir les clés du progrès et qui en fait a provoqué des crises successives financières, économiques, sociales dont le dernier et cruel avatar est le coronavirus.
Tout autre, en rupture profonde, est une politique dont l’objectif essentiel est le bonheur de vivre dans une société juste, démocratique, en harmonie avec la nature et reposant sur la confiance plus que sur la rivalité, l’entraide et la coopération plus que sur l’acharnement de la concurrence, la proximité plus que l’extension, la sophistication des échanges, sur le civisme, l’esprit du convivialisme (Cf. le 2° Manifeste du convivialisme) et les pratiques de solidarité.
Une économie du bien être : sa portée
Cette économie du bien-être n’est pas une utopie ; elle existe et se présente sous des formes très diverses : associative, dans des activités sociales, culturelles, dans la protection de l’environnement, les soins, etc., en complément de l’Etat défaillant sur certains besoins ; entrepreneuriale, en complément du marché qui la néglige faute de rentabilité suffisante.
L’ESS et par extension, par pollinisation, les entreprises se voulant socialement engagées présentent des exemples de plus en plus nombreux de ce type d’économie. Leur existence, leurs réussites, la multitude de citoyens qui y participent donnent à penser qu’elles peuvent servir de socle à une politique alternative de reprise et de renouveau économique, inspirer le programme économique et social en préparation.
Mais relativement marginale face aux géants économiques brassant des centaines de milliards, monopolisant l’énergie et l’information, et de plus, dispersées, fragmentées, ces belles initiatives n’ont pas encore l’impact suffisant, le pouvoir de convaincre qu’il est réalisable de changer la nature de la politique, de basculer sur un écosystème écologique et solidaire.
De beaux récits pour convaincre
Il existe pourtant sur certains territoires des expériences plus poussées de coopération, des projets transdisciplinaires pionniers (par ex. conjuguant santé, alimentation, environnement, éducation, etc.) qui grandissent, se transforment peu à peu en écosystèmes, entrent dans un monde où les modes de production, de gouvernance ne sont plus les mêmes.
Le Labo de l’ESS a analysé certaines de ces initiatives, leur évolution, leurs perspectives, leurs relations à l’environnement, leurs besoins de soutien et d’accompagnement. D’autres organisations telles que France Active, French Impact les PTCE, ZCLD, la Fabrique des transitions, les jardins de cocagne, TEPOS, les tiers-lieux, etc. s’y emploient, chacune à sa façon.
Ces travaux ont largement contribué aux premiers résultats qui sont connus et appréciés. Mais pour aller plus loin, élargir leur audience, leur influence, pour en faire les chantiers d’un monde nouveau, il faut construire, à partir de l’analyse des meilleures expériences, des récits montrant en quoi celles-ci changent le paysage et comment elles sont ressenties par les parties prenantes et leur environnement ; des récits alliant la réalité audacieuse de ces « success stories » aux réflexions politiques des acteurs de terrain, ayant de ce fait une grande force d’émotion, de transmission et de déclanchement sur les décisions à venir.
Les meilleurs récits choisis et présentés par un collectif d’organisations feraient l’objet d’un petit livre à la manière d’ « Indignez vous » et de films comme ceux de M. M. Robin ou C. Dion. Ils conforteraient les expériences racontées et serviraient de référence aux investissements à venir.
Récits qui montreraient qu’à travers eux des mouvements ayant des convictions différentes (par ex. « Pouvoir de vivre » et « Plus jamais ça », Secours catholique et Secours populaire) ou s’exprimant dans des formes différentes se rejoignent sur des points fondamentaux.
Réalisés d’ici l’hiver, ils auraient un fort impact sur la sortie de crise.
Claude Alphandéry, le 10 juin 202O
– pour que les mouvements de la société civile ayant des convictions différentes mais se rejoignant sur des points fondamentaux (dernier paragraphe de l’article de Claude Alphandéry) puissent agir en semble, trois conditions à mon sens : 1) un vrai respect mutuel 2) des propositions concrètes (donc plus facile dans la proximité, espérons-le) 3) un positionnement vis à vis des partenaires publics qui ne se résume pas à l’interpellation dénonciatrice, mais envisage des co-constructions éventuelles
– y a t-il moyen de savoir qui sur Montpellier se réclame du mouvement convivialiste ?