Prologue du nouveau manifeste

Vers une Déclaration d’interdépendance générale

Le but de ce Nouveau Manifeste convivialiste n’est pas d’ajouter un manifeste à tous ceux qui existent déjà. Il est d’aider à enclencher une dynamique. Une dynamique de survie. Pour de multiples raisons, l’avenir de notre planète et de l’humanité se révèle chaque jour plus sombre et incertain. L’affrontement de puissances économiques, financières, militaires, techno-scientifiques toujours plus redoutables, la surexploitation de la nature et l’accélération du réchauffement climatique ne nous laissent plus guère de choix. Tous ces facteurs, en effet, concourent à une lutte de tous contre tous, à un état de barbarie croissante dans lequel l’homme redevient un loup pour l’homme.

C’est maintenant, dans les toutes prochaines années au plus tard, que l’humanité est appelée à devenir pleinement consciente d’elle-même. Veut-elle poursuivre sa marche en avant vers toujours plus de surpuissance, et donc de barbarie, au risque quasi certain de sa disparition (ou de celle du plus grand nombre) ? Se montrera-t-elle au contraire à la fois désireuse et capable d’endiguer sa puissance pour la mettre au service du bien commun ?

 Comment l’humanité pourrait-elle bien devenir consciente d’elle-même ? Certainement pas en additionnant les voix ou les opinions de chaque humain. La seule voie possible, puisqu’il est question de conscience, est d’amener à se rencontrer quelques-unes des plus hautes autorités intellectuelles, morales, scientifiques et religieuses (les plus connues, en tout cas, et donc les plus influentes), représentatives des traditions propres aux différentes aires culturelles du globe. Chacune d’entre elles peut être vue comme la dépositaire et l’aboutissement d’un travail de réflexion multiséculaire. Un travail sur les moyens de conjurer la violence et d’éviter la guerre de tous contre tous.

Il est vrai que la parole est bien faible à côté des armes, et que les bonnes intentions ne suffisent pas. Mais si les personnalités ainsi réunies réussissent à se mettre d’accord a minima sur ce qu’il est permis aux humains de désirer et d’entreprendre, ou, au contraire, sur ce qui leur est interdit, ce sera le début d’une onde de choc mondiale, d’une force potentiellement irrésistible. Une onde de choc alimentée par la claire compréhension de l’interdépendance générale dans laquelle nous vivons. Une interdépendance, entre tous les humains et avec la nature, à laquelle nul ne peut échapper.

Qui choisira ces personnalités, et selon quels critères ? Il n’existe pas de bonne réponse a priori à cette question. Tout ce qu’il est possible de faire pour l’instant, c’est d’inviter les ONG et les réseaux voués au service du bien commun de l’humanité à se joindre à cette dynamique. Chacun élaborera et défendra sa propre conception de ce qui est permis et de ce qui ne l’est pas si nous voulons que l’humanité ait un avenir. Et, si possible, un bel avenir. Les documents rédigés par chacun des réseaux impliqués dans cette dynamique pourront être vus comme des documents de travail préparatoires à la rencontre (ou aux rencontres), des personnalités mobilisées. Rencontres qui pourraient déboucher sur une Déclaration d’interdépendance générale.

Nous voyons pour notre part ce Nouveau Manifeste convivialiste comme un de ces documents de travail, à mettre en dialogue avec d’autres du même type.

N.B. À ceux qu’inquiéterait l’idée de confier la discussion sur les normes morales de l’humanité à une poignée de sages parlant en surplomb des humains ordinaires, on répondra que s’ils sont sages ils sauront dire comment toutes les décisions concrètes à prendre, une fois fixés les principes généraux, ne pourront l’être que par des humains ordinaires de bonne volonté. Ce sont ces principes généraux et certaines de leurs implications qu’il leur reviendra d’énoncer.