Le Convivialisme : plus qu’une raison d’être, une métamorphose nécessaire pour un devenir plus humain, plus conscient, plus cohérent, plus convivial

Le bruit des mortiers, le son des explosions et l’odeur de la poudre ont hanté mon enfance. Je viens d’un peuple délaissé, d’une histoire meurtrie et imprégnée par la guerre et le génocide. Je garde en moi les traumas psychologiques transgénérationnels.

Issue de l’union d’un père Français et d’une mère Cambodgienne, j’ai grandi au sein d’un environnement multiculturel. J’ai passé mon enfance à Phnom Penh, entourée de victimes d’exploitation sexuelle dans les centres d’accueil que mes parents avaient crées. Ces premières expériences choquantes, pour ne pas dire irréelles, ne m’ont pas sidérée. Bien au contraire, grâce à une éducation bien aiguisée, j’ai transformé la haine et le dégoût en un combat que je retrouve dans les positions du mouvement des Convivialistes.

J’ai entrepris une psychanalyse qui, je le pense, était nécessaire afin de sortir d’une position victimaire. J’ai décidé de prendre du recul et d’observer l’Homme, de tenter de comprendre son mal-être, ses vices et son manque de sens. Il est temps de nous éveiller, de nous élever et prendre conscience de nos défauts afin d’éviter notre ’’collapse”. Les approches du Convivialisme sur la maitrise de l’hubris sont les premiers pas vers l’espoir.

Les multiples voyages de mes parents et leurs missions de plaidoyer m’ont ouvert les yeux, dès mon plus jeune âge, à une vision, un angle universaliste de nos sociétés dites modernes. J’ai pu constater par ma bi-culturalité que l’ethno/ego-centrisme fait fausse route. Ce dernier annihile toute forme d’harmonie. Si nous agissons d’un commun accord, de façon cohérente et intelligible, avec une vision universaliste pour un equilibrium de la commune humanité, nous pourrons construire un futur qui scellera une symbiose entre l’Homme et la Nature.

Afin d’avoir la connaissance nécessaire pour agir et suivre les traces de mes parents activistes, je me suis retrouvée sur les bancs d’une faculté de Droit en France. Après trois ans d’études, on m’a diagnostiqué un cancer à l’âge de 21 ans. J’ai découvert malgré moi les souffrances physiques et les errances psychologiques. Affronter les chimiothérapies répétitives demande une sacré dose de folie ou de laisser-aller. Seule face à moi et à ce risque de mort permanent, je me suis mise à la méditation et la lecture. Prédisposée culturellement par une imprégnation Bouddhiste, j’ai découvert une forme de plénitude et de bien-être, regardant dans une intemporalité déconcertante, les oiseaux, les arbres, la vie. Des concepts me paraissaient de plus en plus évidents, comme l’empathie, la compassion, l’intelligence émotionnelle, l’éthique, l’altruisme, la responsabilité, le savoir-vivre, mais aussi et surtout le savoir-mourir, et donc son impermanence…

C’est à New York que j’ai débuté ma nouvelle passion, la peinture, qui m’est apparue comme un outil de résilience face à ce que je venais de vivre. J’ai inauguré ma première exposition « My Renai-Sense », un triptyque sensoriel et synesthésique. J’ai reversé la vente de mes tableaux à une organisation non-gouvernementale, ce que je continue de faire.

Toujours à la recherche d’une réconciliation entre racines et identité, je suis retournée au Cambodge pour inaugurer « The Sens Of Consciouness », une exposition centrée sur la recherche de la prise de conscience, de l’éveil, de la spiritualité. Il s’en est suivi un enchainement d’expositions à Sydney, Bruxelles, Paris et Bangkok, ayant pour thèmes, entre autres, « The art of detachment », « Complementarity » ou encore « Origins and becoming ». La dernière exposition se nomme « ConviArt ». Architectes, danseurs, peintres, photographes, et bonzes de tous horizons y ont œuvré à promouvoir les six valeurs fondamentales des Convivialistes.

J’ai fini par embarquer avec mon père sur son voilier pour une aventure avec la nature. J’y ai trouvé un moment clef de ma transcendance : cette sensation d’appartenir à ce grand tout, féerique, fertile et féroce à la fois. Ce grand tout qu’on ne peut ni manipuler, ni posséder.

Depuis plus de 2 ans, et après la lecture des deux manifestes des Convivialistes, je me suis lancée activement dans les domaines du plaidoyer au travers de multiples conférences et ateliers. Je m’exerce au principe d’opposition créatrice en mettant en place des cercles de réflexions à Phnom Penh, notamment sur les changements sociaux et politiques nécessaires pour faire face à une situation planétaire catastrophique.

Je cherche depuis lors à inscrire toute une jeunesse dans un sursaut d’éveil, de sensibilité et les encourager à réagir sur des sujets tels que la conscience, l’éthique personnelle et collective, l’empathie, et de manière plus générale sur l’évolution de l’espèce Homo Sapiens sur le très long terme et non sur des mandats politiques.

Le premier pas dans ce nouveau monde serait de sortir de notre zone de confort pour enfin réagir avec détermination et cohérence. « Nous allons avoir grand besoin de passions y compris celles de se dévouer, voire de mourir pour préserver un monde viable », rappelle Alain Caillé.

Au niveau individuel, nous sommes inconscients. Inconscients de nous-même, de notre psyché, de notre phénoménologie analytique. Pour moi, l’Homme moderne est un zombie décadent, un simple consommateur, loin de ce qu’est un citoyen. Il faut réveiller nos consciences individuelles pour mieux nous connaître et acquérir plus de compassion et d’éthique, indispensables au mieux vivre-ensemble. Une fois acquise, cette conscience individuelle doit aboutir à une conscience collective, nécessaire pour aborder le futur de notre système. Nous devons repenser le monde dans son ensemble, dans son organisation, nous prendre en charge et devenir responsables de notre évolution en tant qu’espèce. Pour cela j’adhère au mouvement des Convivialistes et j’y amène ma force.

Lorsque nous aurons pris conscience de l’état de notre Terre et que nous vivrons dans une cohérence sociale, il faudra nous assurer que nos actes soient en accord avec les limites de notre planète. Et finalement trouver un accord politique global s’associant aux logiques locales de manière à faire du « glocal ». Ne sont-ce point là de belles idées ? Mais comment les mettre en place?

Comme le dit Alain Caillé, « il faut maintenant lui donner de la chair, du souffle, de la vie, de la visibilité ».

Pour cela il faut créer un mouvement de jeunes informés, libres, conscients, et les Convivialistes ont la capacité de provoquer la flamme. C’est dans cette optique que je viens de créer un mouvement, Generation C (C pour Covid, mais surtout pour Conscience & Convivial). Mouvement social soutenu par l’art, luttant pour un changement de paradigme vers une civilisation empathique, qui transforme les consommateurs en citoyens conscients.

Generation C fait le lien entre les discours intellectuels des Convivialistes et une jeunesse en demande, mais perdue. Il faut pour cela une caisse de résonance, une visibilité internationale avec des stratégies appropriées aux différentes cultures, vers l’universalisme. Et faire naître le plus rapidement possible une société post-néolibérale. Pour reprendre les propos d’Alain Caillé, il faut créer « une sorte de tsunami axiologique d’ampleur mondiale ».

តោះ​ទៅ (Allons-y!)

Adana Mam-Legros, artiste et activiste, Présidente de Generation C

Phnom Penh – Royaume du Cambodge, Janvier 2022


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